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premières. Et ce n’est qu’en 1867, dans la troisième et définitive édition de son Port-Royal, que, sans rien changer à son texte, il ajoute simplement en note les savoureuses lignes que voici :


D’autres ont essayé de prêter à Pascal des faiblesses amoureuses, en se fondant sur son fameux Discours retrouvé, où il disserte des Passions de l’amour. Il est bien vrai qu’il en parle comme quelqu’un qui n’est pas sans quelque expérience et qui s’y est essayé. Il est évident, par endroits, qu’il analyse et décrit sur soi-même et d’après nature. Pourtant je vois dans ce Discours encore plus de raisonnement et d’envie d’aimer que d’amour. Corneille et ses amans de théâtre ont passé par là. On n’en dirait pas de même pour La Bruyère : il est impossible, à lire certains passages de son livre, qu’il n’ait pas réellement et beaucoup aimé, aimé par le cœur et non par la tête. Pascal, dans les courts instans où il s’en occupa, semble avoir été plutôt un ambitieux d’amour. Il avait, très vraisemblablement, conçu un commencement d’inclination pour une dame de condition supérieure, et il en raisonne avec bien de l’esprit. Au fond, c’est froid. Anacréon a dit quelque part qu’il reconnaît aussitôt les amans à je ne sais quelle petite marque qu’ils ont à l’âme : je ne trouve pas cette petite marque dans Pascal.


Ce n’est pas là, comme on peut voir, le langage d’un homme qui croit bien fermement aux « amours » de Pascal, et on l’eût fort étonné sans doute si on lui eût fait voir, dans les Pensées mêmes, la trace manifeste des amours du grand écrivain. Or, voici quelques-unes des Pensées qui sont pour M. Faguet le signe « que Pascal est un homme qui a aimé et qui s’est reproché d’avoir aimé, preuve qu’il a aimé vivement, et qu’il s’en souvenait subconsciemment : » — « Il n’aime plus, écrit Pascal, cette personne qu’il aimait il y a dix ans. Je crois bien : elle n’est plus la même, ni lui non plus. Il était jeune et elle aussi ; elle est tout autre. Il l’aimerait peut-être encore, telle qu’elle était alors. » — « Ceci, demande à ce propos M. Faguet, ne vous paraît-il pas avoir quelque air de confidence ? » — Il me semble que le moraliste le moins passionné est parfaitement capable d’une observation de ce genre. — « Le cœur, dit ailleurs Pascal, le cœur a son ordre, l’esprit a le sien, qui est par principes et démonstrations. On ne prouve pas qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les causes de l’amour ; cela serait ridicule. » — « Ou je ne suis pas, déclare ici M. Faguet, psychologue pour une obole, ce qui du reste est parfaitement possible, ou cela est d’un homme qui, très raisonneur, très doué d’esprit géométrique, a songé, étant amoureux, à prouver qu’il devait être aimé et à « exposer d’ordre » les raisons de la chose ; puis qui, n’étant