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beaucoup plus soignées. Cette copie, comme l’autre du reste, a-t-elle été faite sur l’original, ou sur une autre copie ? Est-elle antérieure à l’autre ? ou contemporaine ? ou postérieure ? Ce sont là des questions dont la solution nous échappe, au moins présentement. Tout ce que l’on peut dire, encore une fois, c’est que la version qui nous est ici présentée par ce second manuscrit[1] est incontestablement meilleure, et, vraisemblablement, plus conforme à l’original que celle du manuscrit découvert par Victor Cousin. Des mots omis, ou mal lus, ou mal transcrits par l’autre copiste, et que l’on avait dû conjecturer, sont, dans ce nouveau texte, restitués en leur teneur authentique. Des phrases inintelligibles, et à propos desquelles on avait fait des prodiges de subtilité pour arriver à ne les point entendre, apparaissent ici d’une clarté limpide. On lisait, par exemple, jusqu’alors : « Quoique ce soit une même passion, il faut de la nouveauté ; l’esprit s’y plaît ; et qui sait se la procurer sait se faire aimer. » Il faut lire désormais : « Et qui sait la procurer

  1. Catalogue général des manuscrits français de la Bibliothèque nationale. Nouvelles acquisitions françaises, Ernest Leroux, 1900, t. II, p. 110. — Ce second manuscrit est coté 4015. C’est un tout petit volume in-18, de 52 pages : il avait d’abord été classé, et peut-être trouvé parmi les imprimés. La reliure en est toute moderne : évidemment, il a été paginé et envoyé à la reliure par la personne qui l’a découvert. Il comprend deux pièces : d’abord, et d’une très belle écriture, le Discours : en tête, comme titre, simplement, Discours sur les passions de l’amour. Les différentes pensées ou maximes qui composent le Discours sont séparées les unes des autres, non seulement par des alinéas beaucoup plus intelligemment distribués que dans le manuscrit rival, mais encore par de petits traits verticaux à la fin de chaque paragraphe. A la suite du Discours, d’une autre encre et d’une autre écriture et d’un autre papier, une petite pièce de vers, qui, manifestement, en était primitivement indépendante, et qui est intitulée le Pater noster des Jésuites. C’est une méchante rapsodie gallicane ou janséniste à l’adresse du roi d’Espagne Philippe IV, et qui remonte apparemment à la régence d’Anne d’Autriche. En tête, une petite croix, comme en font, d’ordinaire les prêtres quand ils écrivent. En voici, à titre de curiosité, la première strophe :
    Philippe, Roi de tous les hommes,
    Nous ne serons jamais muets
    De confesser tous que nous sommes
    Tes chers enfans, et que tu es
    Pater noster.
    Ce manuscrit m’aurait très probablement échappé, si M. Gazier, qui a bien voulu m’aider au cours de mes recherches, avec une obligeance et une activité dont je ne saurais trop lui exprimer toute ma gratitude, ne l’avait découvert comme par hasard, en feuilletant les catalogues manuscrits de la Bibliothèque, et ne m’en avait signalé l’existence et l’intérêt. Puisque. M. Gazier n’a pas voulu tirer parti lui-même de sa découverte, il est de toute justice que l’on sache que je lui en suis redevable.