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communication de deux pièces qui circulaient sous le manteau dans la société polie ou épicurienne de la fin du XVIIe siècle. L’une était bien de Saint-Evremond. L’autre présentait, en certaines de ses parties, de si curieuses analogies avec quelques-unes des Pensées alors connues, que certains, sans y regarder de trop près, sans se poser même la question de pastiche possible, ou d’imitation involontaire, ont pu prononcer à ce sujet le nom de Pascal. Il nous a transmis ces deux pièces ; il s’est fait l’écho des propos, plus ou moins consistans, qu’il avait entendus. On a relié ces deux morceaux avec trois autres pièces de format analogue et relatives à des questions religieuses. Et le volume ainsi composé est allé échouer dans la bibliothèque de l’abbé de Fourcy, puis dans celle du cardinal de Gesvres, puis à Saint-Germain-des-Prés, et enfin à la Bibliothèque nationale. Et l’on voit combien il est inexact de dire avec Havet : « Qui donc, parmi les personnes attachées à Port-Royal ou à la famille Périer, et qui conservaient les traditions de la petite Eglise, qui donc se fût avisé de dire ou de laisser croire qu’un discours sur l’Amour fût de Pascal, s’il y avait eu moyen de croire le contraire ? » ou avec M. Brunschvicg : « Quel est le janséniste qui se serait soucié de le recopier et de le conserver, ou qui se serait amusé à faire un pastiche de Pascal sur cette matière de l’amour ? » Nous ne pouvons pas même affirmer, et rien ne nous permet de supposer qu’un seul janséniste ait connu l’existence de ce Discours.

Et enfin, voici, pour confirmer tous nos doutes, un fait nouveau d’une extrême importance, et qui, si je ne m’abuse, change singulièrement les données du problème. Le manuscrit étudié par Cousin et utilisé par tous les éditeurs successifs, — ou plutôt, car ils ne s’y sont guère reportés, par Faugère et par M. Brunschvicg, — ce manuscrit n’est pas le seul que nous possédions du Discours. Il en existe un autre à la Bibliothèque nationale, et qui semble avoir été découvert à la Bibliothèque même aux environs de 1860. Le texte en est beaucoup plus satisfaisant à tous égards que le texte courant, dont il diffère sur une cinquantaine de points ; et surtout, chose assez curieuse, le nom de Pascal n’y est pas même prononcé. Quelle est l’exacte provenance de ce manuscrit ? C’est ce qu’il est assez difficile de dire. Le catalogue imprimé le date du XVIIIe siècle. Il paraît bien, comme le 19303, une pure et simple copie : mais l’écriture, la ponctuation, la disposition même des matières en sont