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des Pensées le Discours sur les passions de l’amour. Et M. Faguet a pu écrire : « Le Discours sur les passions de l’amour est de Pascal. Je serai bref sur ce point, la contestation étant faible, et les contestans, pour ainsi parler, n’existant plus… Je répète que personne, à ma connaissance, ne conteste actuellement que le Discours sur les passions de l’amour soit de Blaise Pascal. »

Deux critiques cependant, — et ce sont les seuls que je sache, — sans d’ailleurs instituer une discussion en règle, semblent avoir eu des doutes plus ou moins formels à cet égard. Le premier en date est M. Gazier, dans une étude vieille de trente ans, et qu’il a recueillie depuis dans ses Mélanges de littérature et d’histoire[1] : « Il n’est pas absolument certain, écrivait-il, que Pascal soit l’auteur de cet admirable Discours, si heureusement découvert par Victor Cousin. » Ferdinand Brunetière, un peu plus tard, ici même, déclarait « qu’il ne voyait pas la marque de Pascal empreinte si manifestement ni si profondément dans le Discours sur les passions de l’amour, et qu’au surplus, il n’est pas prouvé que ce Discours soit vraiment de Pascal. Les manuscrits eux-mêmes, ajoutait-t-il, se bornent à le lui attribuer[2]. »

Les argumens sur lesquels on s’appuie pour admettre l’authenticité du Discours sont de deux sortes. Les uns sont d’ordre tout littéraire, pour ne pas dire tout subjectif. On examine le fragment en lui-même ; on est frappé des ressemblances de forme ou de fond qu’il présente avec les Pensées, et qui sont en effet assez nombreuses et fort curieuses. Bref, on reprend et l’on développe, avec plus ou moins d’ingéniosité ou d’éloquence, les fougueuses intuitions de Cousin que nous rappelions tout à l’heure ; et volontiers on s’écrierait avec lui : « Je sens Pascal. »

  1. A. Gazier, Pascal et Mlle de Roannez, les Prétendues amours de Pascal, dans Mélanges de littérature et d’histoire, Paris, A. Colin, 1906. — Je dirai tout à l’heure tout ce que ces pages doivent à M. Gazier.
  2. Voyez dans la Revue du 1er septembre 1885, ou dans la 3e série des Études critiques, l’article intitulé De quelques travaux récens sur Pascal. Et dans son Manuel de l’histoire de la littérature française (1898), Ferdinand Brunetière revenait très brièvement sur la question, et parlant incidemment du Discours, il s’empressait d’ajouter : « en admettant que Pascal en soit l’auteur. » — M. G. Lanson, de son côté, après avoir écrit dans son Histoire de la littérature française, 1894 (p. 445) : « De ce temps serait ce Discours sur les passions de l’amour qu’on lui attribue, » — formule qui semble impliquer quelque scepticisme, — s’est prononcé depuis très nettement pour l’affirmative : « Le Discours sur les pussions de l’amour, qui est bien de lui, » écrit-il dans son article Pascal de la Grande Encyclopédie, 1898.