Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/801

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et un peu narquoise, — livre amusant comme le plus amusant des romans, — qu’il a intitulé : Amours d’hommes de lettres[1]. La question sera traitée encore dans un livre fort remarquable sur Pascal dont j’ai les bonnes feuilles entre les mains, et qui va prochainement paraître[2]. Elle est, on le voit, et plus que jamais, à l’ordre du jour. Et peut-être y a-t-il lieu de la reprendre avec quelque détail.

Je crois, ou du moins j’espère l’aborder sans préjugé d’aucune sorte. Que Pascal ait été vraiment amoureux, cela ne le diminuerait point à mes yeux, — tout au contraire. Il ne me déplairait même nullement, — dût-on m’accuser d’un peu de romantisme persistant, — que l’auteur des Pensées, qui a connu, éprouvé tous les grands sentimens de l’humanité, eût connu aussi celui-là, avant d’en faire le sacrifice à son Dieu. Son « cas » en serait peut-être plus significatif et plus complet… Mais il ne s’agit pas ici de nos préférences ou de nos reconstructions personnelles. Voyons les faits.


I

Et tout d’abord, le Discours sur les passions de l’amour est-il bien de Pascal ?

Cousin, lui, n’en doutait pas : ne l’avait-il pas découvert ? « Dès la première phrase, déclarait-il, je sentis Pascal, et ma conviction s’accrut à mesure que j’avançais. Les preuves surabondent pour quiconque a eu un commerce intime avec les Pensées… N’est-ce pas là sa manière ardente et altière, tant d’esprit et tant de passion, ce parler si fin et si grand, cet accent que je reconnaîtrais entre mille ?… Il faut donc que ce fragment soit de Pascal ; il est signé de ce nom à toutes les lignes. »

La conviction de Cousin a été contagieuse. Elle a gagné à peu près tous les éditeurs et commentateurs de Pascal. De Victor Cousin à Sully Prudhomme, et de Faugère à M. Michaut, on a généralement cru qu’il fallait attribuer à l’auteur

  1. Amours d’hommes de lettres, par M. Émile Faguet, 1 vol. in-16 ; Société française d’imprimerie et de librairie, 1907. — Ces « hommes de lettres » sont Pascal, Corneille, Voltaire, Mirabeau, Chateaubriand, Lamartine, Guizot, Mérimée, Sainte-Beuve, George Sand et Musset.
  2. Pascal et son temps, par M. F. Strowski ; t. II, l’Histoire de Pascal, 1 vol. in-16 ; Paris, Plon.