Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/794

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exemple, une indignité de voir en disponibilité un officier comme le général Geslin de Bourgogne, dont un général allemand, von Bissing, disait en 1901 : « Il n’y a qu’en France où l’on puisse voir le premier général de cavalerie de l’Europe employé dans un port de guerre. » Le général de Bourgogne était alors encore en activité ; que dirait l’officier allemand aujourd’hui où « le premier général de cavalerie de l’Europe » est mis à l’écart ? Et combien d’autres pourrait-on citer dans toutes les armes et dans tous les grades ! Est-ce là un bon emploi de la force militaire du pays ? D’autres officiers, moins bien trempés, se font les cliens d’hommes politiques et s’avilissent, perdant ainsi de plus en plus la vertu nécessaire chez un chef, le caractère ; ces derniers sont comblés de faveurs. Par suite, depuis quelques années, on trouve à la tête de quelques-unes de nos grosses unités des chefs peu capables qui n’inspirent ni l’affection, ni la confiance. Ayant conscience de la méfiance qu’ils inspirent, ils ont le commandement dur et inégal. Enfin, pour ne pas s’attirer d’affaires, ils n’osent pas sévir à propos, et l’indiscipline gagne chaque jour du terrain. Il faut réellement que l’âme française ait un grand fond de jugement, de bon sens et d’amour du devoir pour que le mal ne progresse pas plus rapidement lorsque l’une des causes de l’indiscipline est la faiblesse du commandement.

Ce n’était pas tout de tenir les officiers par l’intérêt de leur carrière, il fallait abaisser leur prestige. Passons sous silence tous les écrits immondes où ils étaient et sont encore traînés dans la boue, écrits que le gouvernement a tolérés ; passons sous silence l’action dissolvante de la délation sollicitée et encouragée et prenons seulement les actes officiels. Une circulaire du 1er octobre 1900 supprima l’apport dotal exigé jusqu’alors de toute personne recherchée en mariage par un officier. On justifia cette mesure par cette seule phrase : « Les circonstances qui avaient motivé cette prescription n’existent plus aujourd’hui. » On se demande quelles sont ces circonstances ? Cette sage prescription avait pour objet de mettre l’officier à même de tenir son rang social honorablement ; supprimer cette garantie était un moyen de discréditer quelques-uns d’entre eux, ce qui rejaillirait sur les autres. Il n’y avait encore là qu’une atteinte matérielle ; bientôt la situation s’aggrava, au point de vue moral, par la facilité avec laquelle on permit de légitimer des liaisons anciennes ou de faire des mariages dans des familles d’une