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que réclame impérieusement la sécurité d’une nation. L’assaut contre nos institutions militaires fut d’abord furieux : cette brusque attaque n’ayant pas réussi aussi vite qu’ils l’espéraient, les destructeurs procédèrent à une attaque régulière, lente, tenace, en introduisant peu à peu, avec une remarquable méthode, les élémens de dissociation dont nous soutirons tant aujourd’hui. Nos gouvernails, ou complices, ou inconsciens, et la majorité parlementaire adoptèrent successivement les mesures proposées par une association occulte, ennemie décidée de l’armée permanente. Ces mesures prises une à une paraissent anodines ; mais, quand on les rapproche, elles forment dans leur ensemble le plus puissant ferment de dissociation. Passons en revue quelques-unes des étapes ainsi parcourues.

Il fallait tout d’abord mettre, entre les mains du ministre de la Guerre, le pouvoir absolu sur l’avancement des officiers, sur leur carrière. Un décret du 9 janvier 1900 avait institué des commissions d’arme et une commission supérieure qui devaient établir, chaque année, des listes de proposition pour l’inscription au tableau d’avancement aux différens grades, jusqu’à celui de colonel. Le ministre devait examiner les listes et prononcer en dernier ressort. Auparavant, les commissions décidaient elles-mêmes de la mise au tableau. Les dispositions nouvelles étaient ainsi justifiées : « Je considère comme non moins indispensable de faire sanctionner par décret le droit réservé au ministre seul, auquel incombe la responsabilité de tout ce qui touche à l’armée, d’arrêter en dernier ressort les inscriptions au tableau d’avancement. » Avec ce raisonnement, il faudrait aussi laisser au ministre seul la nomination des sous-officiers et des caporaux. Il est indiscutable qu’en pareille matière la décentralisation s’impose aussi bien pour l’avancement des officiers que pour celui des hommes de troupe ; la récompense de l’avancement au choix doit être judicieusement laissée à l’autorité qui est en état de connaître et d’apprécier les intéressés. On ne saurait admettre que le ministre connaisse les officiers subalternes, ni même les colonels ; il ne peut donc prononcer que sur l’avis des chefs hiérarchiques, ce qui revient à leur concéder la décision, sur des renseignemens privés, provenant de sources peu sûres, ou même intéressées à la désorganisation. Le ministre qui était alors à la tête de l’armée ne pouvait prévoir les conséquences de ce décret qui lui mettait dans la main une arme dont il se serait