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par M. de Tavanes, gouverneur de Bourgogne, quand il leur avait fait passer l’avis de se tenir sur leurs gardes, contre une attaque possible des margandiers. « Ils regardaient la crainte de M. de Tavanes comme une frayeur panique, ne pouvant pas s’imaginer qu’une poignée de contrebandiers pût faire contribuer des villes. »

L’alarme fut donnée à Beaune par des « bonnes femmes » de Corberon venues au marché. Beaune avait de belles fortifications, dans le grand style du XVIIe siècle. Le Conseil de Ville se réunit d’urgence sous la présidence du maire. Il fut décidé que l’on fermerait les portes, « en ne tenant que le guichet ouvert, » et que les Beaunois étonneraient la France par la vigueur de leur résistance.

Le 18 décembre, entre onze heures et midi, par le chemin de Corberon, les Mandrins arrivent, sur la route durcie par la gelée, au galop sonore de leurs chevaux. Déjà ils aperçoivent la ville, entourée de son croissant de collines, blanches sous le ciel bas.

Les faubourgs de Beaune sont fermés par des barrières. Derrière les faubourgs, la ville close d’un rempart de grosses pierres, avec des tours d’angle, et, aux saillies, des échauguettes en encorbellement. Au pied des murs, an large fossé, où, dans le terrain humide, ont été plantés des saules qui ont grandi rapidement. De leur ramure touffue, ils nouent autour de la cité un ruban vert pâle, et, quand le vent en renverse les feuilles, c’est, tout autour des remparts, une large couronne argentée.

Au faubourg de la Madelaine, la garde de la barrière avait été confiée à l’adjoint Terrant, homme d’esprit qui s’était beaucoup amusé, non seulement de la « frayeur panique » de M. le gouverneur de Bourgogne, mais aussi de la terreur des bonnes femmes de Corberon accourues pour raconter, avec agitation, « la couchée des bandits. » A la barrière de la Madelaine il rangea ses hommes avec symétrie ; puis, après avoir rectifié les alignemens, sans même prendre le soin de fermer la barrière, « il s’occupa à déjeuner dans une maison des faubourgs, avec ses amis, qui avaient été auprès de lui rire de la peur que l’on avait des Mandrins. »

Les convives se sont levés. Du haut du beffroi communa arrivaient les sons du tocsin, semant l’effroi.

Au loin sur la route, l’éclat des armes perce les brumes de l’hiver. En hâte, les hommes placés par l’adjoint Terrant en