« revenaient toujours à demander 20 000 francs au receveur. » M. du Pinet pria alors Mandrin d’entrer seul avec lui dans son bureau. Il lui montra ses livres, l’état de sa caisse. Mandrin lui dit qu’il se contenterait de 6 000 livres, pour lesquelles il lui laisserait des marchandises, mais qu’il n’en fallait rien dire à ses compagnons.
Un chirurgien arriva enfin, amené par Mme du Pinet, et le jeune « capitaine » fut pansé.
Comme celui-ci avait déposé dans la cour de l’immeuble des marchandises pour 20 000 livres, il en fit recharger une partie sur ses chevaux de bât. À cette vue « il s’éleva un grand murmure de mécontentement dans sa troupe. » Les plus ardens protestaient. Mandrin leur déclara d’un ton d’autorité qu’il savait ce qu’il faisait et qu’ils n’avaient qu’à se taire.
A la sortie de Montbrison, la bande passa par Charlieu, Cluny, Pont-de-Vaux, Saint-Amour-en-Comté. Le 28 octobre, par les Rousses et le col de la Faucille, elle rentrait en Suisse d’où elle était partie le 4 octobre précédent.
Durant cette quatrième campagne, qui vient de se dérouler en trois semaines, du 4 au 28 octobre 1754, le jeune capitaine, que Voltaire, son voisin, va appeler « le plus magnanime des contrebandiers, » franchit avec sa troupe plus de deux cent cinquante lieues.
« Ce Mandrin a des ailes, écrit encore Voltaire, il a la vitesse de la lumière. Toutes les caisses des receveurs des domaines sont réfugiées à Strasbourg. Mandrin fait trembler les suppôts du fisc. C’est un torrent, c’est une grêle qui ravage les moissons dorées de la Ferme. Le peuple aime ce Mandrin à la fureur. Il s’intéresse pour celui qui mange les mangeurs de gens… »
L’embarras de la Cour de France se trahit dans sa correspondance avec ses représentans en Suisse et en Savoie. « Il serait à souhaiter, écrit le contrôleur général, Moreau de Séchelles, que l’on fit un exemple de cet homme (Mandrin) qui n’est déjà que trop célèbre. »
Au fait, il n’était bruit que de lui. Déjà naissaient à son sujet