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qu’à un peu de charité. Le Saint-Père avoue quelque part que tant d’absurdités, d’insanités, de perfidies, remuent sa bile (bilem commovent), expression que nous ne trouvons pas dans la traduction française, mais qui est dans le texte latin. Ce sentiment produit chez Pie X une excitation très éloquente, très vigoureuse, très rigoureuse, qui complète son caractère : on ne le connaissait pas sous ce jour nouveau.

Nous ne défendrons pas les modernistes, pas plus que nous ne les accusons. Nous avons dit, en parlant du Syllabus, qu’ils avaient commis des imprudences ; ils les paient un peu cher aujourd’hui. Mais ont-ils vraiment les intentions déloyales et sournoises que l’Encyclique leur prête ? Ont-ils des âmes aussi noires qu’elle les montre ? Qu’ont-ils voulu, après tout ? Ils sont modernes ; ils sont hommes du XXe siècle et non pas du XIIIe ; comme tels, ils se sont rendu compte de la nature et de la force des coups qu’une critique nouvelle a portés à la religion et à l’Église, et ils ont essayé d’y parer. L’Encyclique leur répond que la scolastique du moyen âge et la Somme de saint Thomas suffisent à la défense de l’Église et qu’il faut s’y tenir. Est-ce bien sûr ? Loin de nous la pensée de médire de la scolastique, d’Aristote et de saint Thomas, car nous les admirons sincèrement ; mais pouvons-nous oublier que Descartes, Spinoza, Hume, Kant, Fichte, Schelling. Hegel, etc., etc. sont venus depuis, et qu’ils ont renouvelé la pensée moderne ? L’exégèse a fait de singuliers progrès depuis le Docteur angélique ; l’attaque s’est déplacée, la défense ne doit-elle pas se déplacer aussi ? L’apologétique d’il y a six cents ans était bonne il y a six cents ans ; elle conserve aujourd’hui des qualités propres qui restent inaltérables, mais elle est insuffisante contre des adversaires qui ont découvert d’autres armes, et qui se servent du canon moderne, tandis que nos pères n’usaient, de part et d’autre, soit pour la défense, soit pour l’attaque, que de l’arbalète et de l’épée. C’est ce dont les modernistes ont été frappés, et alors, à leurs risques et périls, ils ont essayé de s’emparer des armes de l’ennemi pour les retourner contre lui : entreprise hardie, difficile, périlleuse, où ils ont pu se tromper et s’égarer, où ils l’ont fait plus d’une fois, mais où, même dans leurs erreurs, ils ont peut-être mérité quelque indulgence. L’Encyclique la leur refuse et les renvoie rudement à la scolastique. Elle ne le fait pourtant pas sans quelques atténuations. En ce qui concerne les études religieuses, « nous voulons et ordonnons, y lisons-nous, que la philosophie scolastique soit mise à la base des sciences sacrées. Il va sans dire que s’il se rencontre quelque chose dans les docteurs scolastiques que l’on puisse regarder comme excès de subtilité, ou