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Au contraire, la révélation religieuse se présente à l’esprit sous la forme d’un fait primitif qui a rempli dès l’origine tout son objet. Malgré cela, au cours du siècle dernier, des catholiques illustres, — le plus illustre de tous a été revêtu par Léon XIII de la pourpre cardinalice, — ont étudié ce qu’ils ont appelé l’évolution du dogme. Ils ont cru que si le dogme était immuable et immobile, l’esprit humain qui ne l’est pas ne pouvait en percevoir que des faces successives. Chaque siècle, chaque temps a ses besoins religieux particuliers auxquels peut correspondre, non pas une vérité religieuse nouvelle, mais une conception nouvelle de cette vérité. Si on peut contester que le dogme ait évolué, il faut bien reconnaître, puisque c’est un fait historique, que des dogmes nouveaux ont été formulés : et cela semble donner quelque raison aux immanentistes lorsqu’ils disent que ces dogmes ont été plus ou moins longtemps pensés par la collectivité catholique avant d’aboutir à leur promulgation définitive. Malheureusement, à cette question de l’évolution du dogme, viennent s’en ajouter deux autres, celle de l’évolution appliquée aux Livres Saints, et celle du symbolisme. La première est toute la question de l’exégèse : nous en avons déjà parlé à propos du Syllabus. Il est bien certain que les Livres Saints sont à quelques égards des livres comme les autres ; mais, aux yeux des catholiques, ils auront toujours un caractère spécial qui ne permettra pas de les confondre avec eux. Où est la limite entre les deux caractères ? Elle est difficile à fixer. L’Encyclique aime mieux se placer toute d’un seul côté. Pour elle, « les Saints Livres, écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, ont Dieu pour auteur. » En conséquence, ils ne peuvent contenir aucun « mensonge d’utilité, ou mensonge officieux, » ce que nous accordons volontiers, mais même, aucune erreur de fait portant sur des matières qui ne sont pas de foi, aucune altération, aucune adjonction, aucune interpolation. Quelques modernistes se sont laissé entraîner très loin dans l’étude des textes, et c’est ce qui les a amenés à introduire une distinction difficile à bien marquer dans la pratique, souvent dangereuse, toujours inquiétante, entre ce qui est du domaine de l’histoire et de celui de la foi. Et cela les a conduits aussi, peu à peu, par une pente d’abord insensible, à donner aux propositions religieuses les plus formelles un caractère purement symbolique dont la vieille foi de nos pères aurait beaucoup de peine à se contenter. Mais nous, n’avons pas à faire leur procès. L’Encyclique s’est chargée de ce soin avec une maîtrise souveraine, une verve emportée, une ironie mordante qui ne sont pas habituelles aux documens de ce genre, toutes choses qui ne laissent place dans notre âme