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lui laissât son bien. Mandrin y consentit, mais il lui fit payer six cents livres d’amende, afin de le punir de s’être commis avec les suppôts de la Ferme, car c’étaient là des gens avec lesquels un honnête homme n’avait pas de relations.

Tout ce qui ne fut pas vendu, fut brisé, détruit, mis en lambeaux. Le juge des Fermes au département de Velay, qui visite l’immeuble le 19 octobre, y trouve tout en pièces, portes et armoires enfoncées, les serrures fracassées, les faïences précieuses en mille morceaux sur le parquet.

Enfin, pour mettre le comble à leur vengeance, les Mandrins voulurent incendier la maison ; déjà, à quatre reprises, ils avaient allumé la chandelle, mais à chaque fois ils avaient renoncé à leur dessein sur les prières d’une religieuse, une sœur de Saint-Charles, qui les suppliait à mains jointes de ne pas créer de nouveaux malheurs, — et l’immeuble fut respecté.

Les Mandrins quittèrent le Puy, dans la nuit du 16 octobre ; le 23, ils entrèrent à Montbrison.

Ici, Mandrin allait trouver un receveur des Fermes, M. Baillard du Pinet, qui devait enfin être homme à l’attendre chez lui et à lui tenir tête. M. du Pinet sut comprendre Mandrin et lui parler, aussi lui devons-nous l’une des pages qui nous font le mieux pénétrer dans l’esprit du célèbre contrebandier.

Les compagnons heurtaient violemment à l’huis de M. du Pinet, receveur des gabelles, quand celui-ci parut à la fenêtre et dit qu’il allait faire ouvrir, si on lui promettait de ne pas le tuer et de n’entrer qu’en petit nombre. Mandrin lui cria de la rue que, sur les deux points, il pouvait être rassuré.

La porte s’ouvrit et Mandrin entra, lui dixième. Il demandait au receveur 20 000 livres pour le tabac qu’il lui allait livrer. Le receveur accueillit le bandit avec fermeté, mais avec politesse. Il l’introduisit avec ses compagnons dans son salon, où il les présenta à sa femme, à sa sœur et à sa mère, nullement effrayées et qui ne tardèrent pas à se mêler à une conversation commune. Celle-ci glissait d’un sujet à l’autre. Mandrin, qui avait le bras en écharpe, racontait comment il avait été blessé au Puy. Il souffrait beaucoup et demanda incidemment s’il ne serait pas possible de faire venir un chirurgien pour le panser. M. du Pinet se leva et donna ordre à un domestique d’aller quérir un chirurgien.

Dans ce moment Mandrin était très las. Il était affaibli par