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appelé Syllabus qu’il n’était qu’un décret du Saint-Office ; mais, cette fois, il s’agit d’un acte émanant directement du pape, d’une lettre adressée par lui « à tous les patriarches, primats, archevêques, évêques et autres ordinaires qui sont en paix et en communion avec le siège apostolique. » Est-ce à dire que nous soyons en présence d’un de ces actes où le Saint-Père use de l’infaillibilité que tous les catholiques reconnaissent à quelques-uns d’entre eux ? Nous ne le croyons pas, et on nous dispensera d’en donner ici les raisons. Mais, à l’infaillibilité près, l’Encyclique est revêtue de la plus haute autorité que puisse avoir une manifestation pontificale.

Le but que Pie X s’est proposé est de condamner en bloc les tendances, les travaux, les conclusions de toute une école née dans l’Église catholique il y a un quart de siècle, et à laquelle il donne le nom de modernisme. Quand nous parlons des conclusions de cette école, c’est le Pape lui-même qui les tire, poussant en quelque sorte les modernistes d’une main vigoureuse au-delà du point où ils se sont arrêtés, les uns avec hésitation peut-être, les autres avec réflexion et résolution. Voilà où vous allez, leur dit-il, et il les y conduit : et ce n’est rien moins qu’à « l’anéantissement de toute religion. » « Le premier pas, dit-il, fut fait par le protestantisme, le second est fait par le modernisme, le prochain précipitera dans l’athéisme. » On voit le ton, il est véhément. Le Saint-Père n’use plus d’aucun ménagement pour les doctrines qu’il réprouve, ni pour les personnes qu’il condamne. « Ces hommes-là, s’écrie-t-il, peuvent s’étonner que nous les rangions parmi les ennemis de l’Eglise. Nul ne s’en étonnera avec quelque fondement qui, mettant leurs intentions à part, dont le jugement est réservé à Dieu, voudra bien examiner leurs doctrines, et, conséquemment à celles-ci, leur manière de parler et d’agir. » Le Saint-Père laisse-t-il vraiment à Dieu seul le soin de juger les intentions ? L’Encyclique parle avec répétition et insistance de « perfidie, » de tactique « insidieuse, » de « complot. » Elle accuse les modernistes de rester dans l’Église pour la ruiner ; elle leur reproche leur soumission apparente comme une hypocrisie de plus. « Trêve donc, dit-elle enfin, au silence qui désormais serait un crime ! il est temps de lever le masque à ces hommes-là, et de les montrer à l’Église universelle tels qu’ils sont. »

Le Saint-Père les montre donc tels qu’ils sont, ou tels qu’il les voit. L’art de l’Encyclique, qu’on nous pardonne le mot, consiste à les confondre les uns avec les autres, à condenser leurs doctrines en une doctrine unique dont toutes les parties sont fortement liées, à