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religieux, à peine jetée en pâture aux discussions publiques, disparut de l’ordre du jour de la Chambre. À deux reprises, ils réclamèrent, désirant réfuter Gneist, invoquer la Constitution, plaider pour les moines ; la Chambre se sépara sans que le rapport de Gneist eût été l’objet d’une sanction, ni même d’une discussion. Mais le rapport subsistait comme un arsenal juridique où bientôt l’on trouverait des armes. Avant de les y chercher, on voulait faire l’unité allemande ; et Bismarck comprimait les passions antireligieuses, tant que cette unité n’était pas faite : « Il faut prendre garde, disait-il au conseil des ministres, d’ébranler la confiance des catholiques dans la liberté et la sécurité de leur culte. » Les victoires prochaines devaient le dispenser de ces suprêmes précautions. La cloche du Culturkampf avait sonné trop tôt au gré de Bismarck ; elle rentra momentanément dans le silence, et d’autres chamades et d’autres fanfares remplirent l’atmosphère allemande.

Mais dans ces journées des 8 et 9 février 1870 où les catholiques, relevant le défi porté par Gneist et presque immédiatement retiré, avaient voulu traiter la question des congrégations, l’on avait vu monter à la tribune, tour à tour, deux membres de l’ancien Centre, Pierre Reichensperger et Mallinckrodt, et un Hauovrien qui s’effaçait, boudeur et vigilant, dans un petit groupe fédéraliste de l’assemblée, Louis Windthorst. Quelques mois après, un appel de Pierre Reichensperger, et deux réunions tenues à Essen et à Soest, allaient provoquer la résurrection du Centre prussien, origine du prochain Centre allemand ; et grâce aux trois orateurs qui n’avaient pas laissé sans riposte la première escarmouche à peine esquissée par Gneist, les séances des 8 et 9 février 1870 avaient été comme une première répétition de ces héroïques débats du Culturkampf dans lesquels les catholiques auraient à faire front, tout à la fois, aux coreligionnaires politiques de Gneist et au chancelier de l’Empire.


GEORGES GOYAU.