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pas une question locale qui s’agitait à Cologne : la portée en était générale ; on n’assistait à rien de moins qu’à un retour offensif de l’État, de ce Landesherr qui, jouant dans l’Eglise évangélique le rôle d’évêque souverain, s’étonnait lui-même, à certains momens, d’avoir perdu toute prise, toute occasion d’empreinte, sur la vie de l’Église catholique. Ketteler, écrivant au cardinal Reisach, évoquait le souvenir de cet autre conflit auquel en 1837 les fidèles de Cologne avaient assisté, et qui avait mis leur archevêque aux prises avec la maréchaussée prussienne.


La question actuelle, disait-il, est la plus importante qu’on ait agitée depuis 1837 ; de la solution dépend essentiellement l’avenir de l’Église dans notre patrie. Au cours des trente dernières années, Dieu nous a donné de belles grâces. Ce qui fut commencé en 1837 se continua dans les combats de 1848 pour la liberté de l’Église, et si nous ne sommes pas encore au bout de la lutte, la force de l’Église, pourtant, croit à vue d’œil… Cet heureux progrès se poursuivra-t-il ? Tel est assurément le plan de la Providence ; mais cela dépend de la façon dont sera tranchée la grande question de principe qui est au fond des difficultés actuelles de Cologne. Toutes les libertés que nous avons conquises pour l’épanouissement de la vie divine de l’Église, toutes celles que, de plus en plus, nous espérons pouvoir conquérir, ne nous serviront de rien, si l’Église à la cime manque de liberté, si, pour la collation des charges épiscopales, elle devient une esclave de l’État. Je crois qu’aucune persécution sanglante n’a été aussi dommageable que la nomination d’évêques courtisans. Le désir du gouvernement de prendre en main le choix archiépiscopal de Cologne me semble, en fait, une sorte de revanche de l’esprit laïque pour l’année 1837 et pour la liberté conquise depuis 1848. Je ne doute pas que tous les gouvernemens protestans, dans le reste de l’Allemagne, ne regardent avec une extrême tension d’esprit l’issue du conflit, pour émettre, à l’occasion, les mêmes exigences. Après la succession de Cologne, ce sera celle de Fribourg ; la décision prise pour Cologne sera prise pour Fribourg… Si la Prusse parvient à exclure, comme persona minus grata, toute personnalité peu agréable aux loges, le gouvernement badois émettra les mêmes prétentions.


Avant même que cette lettre ne fût parvenue à Rome, on y avait discerné la gravité de la situation : on s’était mis en quête de l’un de ces biais dans lesquels excella souvent la diplomatie romaine du XIXe siècle.

Prolonger les difficultés de fait, c’eût été compliquer les discussions de principe, et sans doute, à la longue, amener un état de guerre entre le Saint-Siège, défenseur de l’autonomie électorale des chapitres, et la Prusse, volontiers encline à gêner cette autonomie par d’indiscrètes radiations. Après accord avec le