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proprement religieux et n’était pas encore un parti proprement politique. Ce qui lui faisait défaut, ce qui oscillait en lui, c’était ce que l’Allemand nomme volontiers la « conscience de soi-même » (Seblstbewusstsein). Dans la complexité de la crise, il s’auscultait, étudiait ses sentimens à l’endroit du libéralisme et du radicalisme, ses sentimens à l’endroit de la bureaucratie gouvernementale.

Le gouvernement prussien déplaisait aux membres du Centre par ses procédés administratifs, par son déploiement de militarisme, par son hostilité notoire ou soupçonnée contre l’Autriche et contre la Diète. Mais le radicalisme les rebutait plus profondément encore par ses doctrines politiques et par ses aspirations antireligieuses. « S’il ne s’agissait pas, écrivait Geissel, des plus hauts intérêts de l’Eglise et de l’État, nous pourrions mettre les mains dans nos poches et crier au gouvernement : Habeatis vobis ! Mais les rouges nous fouetteraient avec des scorpions ; ils nous couperaient à tous le cou ; c’est pourquoi nous avons le devoir de leur faire face, même si cela, indirectement, fait du bien aux bureaucrates, dont le gouvernement, il est vrai, est tout près d’être intolérable. »

Entre ces deux ennemis « intolérables » qui se combattaient entre eux, le Centre ne savait quelle conduite tenir. Dès 1862, un certain nombre de ses membres songeaient à une abstention passive. Reichensperger, rebelle à l’idée d’effacement, les conjurait de rester en ligne, et puis il s’apercevait, en 1863, que dans le duel entre la Chambre et le ministère, le Centre jouait un rôle assez ingrat : « Nous sommes pour ainsi dire les seuls soutiens du gouvernement dans la Chambre, écrivait-il. Sans nul doute la cause catholique en est mal récompensée. Mais les autres partis sont encore plus dangereux pour le droit et pour la liberté. » Il s’agissait bien, à cette date, de droit et de liberté ! Bismarck machinait alors l’histoire, et seule, la force avait un langage : un coup de force contre la Chambre, un coup de force contre l’Autriche, allaient changer la face de la Prusse, de l’Allemagne, de l’Europe. Qu’importait dès lors que dans la Chambre prussienne qu’amenèrent les élections de 1863, Chambre tumultueuse et méprisée, insolente et débile, le Centre fût réduit à presque rien, et que Mallinckrodt en fût exclu lui-même par une retraite provisoire ? Plusieurs années durant, dans la Prusse de Bismarck, la parole ne serait plus aux partis, et l’instant où le