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bureaucrates, sur le Rhin, prenant les devans, ont déjà pris des mesures qui sont incroyables d’absurdité. »

La façon courtoise et cordiale dont, au château de Koenigsberg, en octobre 1861, l’épiscopat catholique fut associé aux fêtes du couronnement du roi Guillaume, était assurément un fait tout nouveau dans l’histoire des Hohenzollern : pour la première fois, des représentans de l’Eglise romaine prenaient part à des solennités dynastiques. Mais était-ce, pour l’Eglise, la promesse de jours heureux, ou bien, au contraire, la sanction naturelle de treize ans de paix destinés peut-être à n’avoir point de lendemain ? Il semble que les pompes de Koenigsbcrg ne laissèrent à Geissel aucune impression de griserie et que, bien plutôt, il en revint pessimiste : il rapporta chez lui, au témoignage de son coadjuteur, « le sentiment obscur des jours troubles et périlleux qui se préparaient pour l’Eglise, » et, dans ses propos confidentiels, ce sentiment s’épanchait sans relâche.

Les élections de novembre 1861 à la Chambre prussienne annihilèrent, ou peu s’en fallait, la vieille droite évangélique. Libéraux et progressistes formèrent les deux tiers de la Chambre : le Centre, avec 55 voix, leur tenait tête. Au renouvellement de mars 1862, amené par la dissolution, le Centre n’avait plus que 25 membres. Le conflit politique entre la Chambre et le cabinet au sujet des dépenses militaires absorbait les préoccupations des électeurs. Quelque impérieuses que fussent les aspirations anticléricales de beaucoup de progressistes, c’est sur des questions purement politiques qu’on votait, et, parmi ces nouvelles circonstances, il semblait à Mallinckrodt que le Centre fût desservi par cette parenthèse : « fraction catholique, » qui demeurait attachée à son nom. Il demanda qu’elle disparût. Des oppositions s’élevèrent parmi ses collègues ; elles désarmèrent, à la condition que la fraction rédigerait un programme. Mallinckrodt et Auguste Reichensperger se mirent au travail. Lorsqu’ils le présentèrent, les conflits éclatèrent de nouveau ; certains membres de la fraction voulaient que, par une phrase formelle, le Centre fût fermé aux non-catholiques. Cet ostracisme trouva onze partisans ; seize voix le répudièrent ; mais quelques-uns des vaincus firent mine de démissionner. Pour sauver l’intégrité du groupe, on mit le programme dans un tiroir, et l’on se constitua en « société parlementaire » avec un bureau. C’était un expédient provisoire, non une solution. Le Centre n’était plus un parti