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devenait dès lors un anachronisme peu cordial pour les pouvoirs publics : puisque l’Etat cessait de s’étiqueter protestant, pourquoi une fraction parlementaire persisterait-elle à s’étiqueter catholique ? La majorité de la fraction inclinait à chercher un autre nom. Les Westphaliens s’y opposaient. Mallinckrodt mit tout le monde d’accord en faisant décider que la fraction s’appellerait Centre, et qu’on maintiendrait, à côté de ce nom, la parenthèse « fraction catholique. » Dans les statuts aussitôt élaborés, on eût vainement cherché quelque clause excluant du nouveau Centre les députés non catholiques ; et Auguste Reichensperger, à la Chambre même, le 14 mai 1861, protestait contre la pensée d’une telle exclusion. Ainsi le caractère confessionnel de la fraction avait désormais quelque chose de moins rigide, de moins accusé ; il y avait, dans son objet, je ne sais quoi de moins exclusif ; et si les questions religieuses, à la faveur de la « parité » promise par le nouveau régent, passaient effectivement à l’arrière-plan, l’heure approchait où la fraction devrait élaborer un programme politique et prendre position à l’endroit de tous les problèmes nationaux qui commençaient d’émouvoir l’Allemagne.

Mais tout de suite une question se posa : en fait, la répudiation de l’idée d’un État évangélique était-elle une victoire pour les catholiques ? N’en était-ce pas une, plutôt, pour certains « libéraux » volontiers hostiles à toute action de l’idée religieuse dans la vie sociale ? En rompant avec le parti de la Gazette de la Croix, à qui souriait l’Etat et pour qui travaillait-il ? Pour ceux qui voulaient assurer au « papisme » une part d’influence, ou bien pour ceux qui rêvaient (rime sorte d’athéisme d’Etat ?

Le nombre de ceux-ci s’accroissait parmi les libéraux ; Reichensperger le sentait, il le notait. Dès 1859, il prévoyait qu’une lutte se préparait entre la foi et l’incroyance. Il était vice-président de la Chambre nouvelle, mais certaines malveillances s’étaient fait jour, qui avaient diminué l’éclat de sa victoire, et qui annonçaient le lointain début d’une campagne antireligieuse. La Chambre précédente, où les piétistes régnaient, avait refusé, malgré Reichensperger, d’accorder aux sectes dissidentes les libertés légales auxquelles elles avaient droit. On mit d’autant plus de hâte, en 1859, à les gratifier de ces libertés, et l’on refusa d’accepter un amendement de Reichensperger, qui exigeait, pour les en faire profiter, qu’elles fussent véritablement des sociétés religieuses. C’est-à-dire qu’elles professassent, au moins, la croyance