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dangereux pour l’Evangile, apparussent à l’opinion publique comme solidaires, et que ces deux forces, qu’il traitait l’une et l’autre en ennemies, se compromissent l’une par l’autre. « Dans nos provinces de l’Est, écrivait-il, si l’on arrive à confondre le jésuitisme et le libéralisme, ce dernier perdra les quelques sympathies qu’il possède encore. » Foncièrement protestant et foncièrement réactionnaire, ainsi s’affichait le parti féodal. L’hostilité contre le romanisme prenait l’aspect d’un fanatisme civique. « Avec les ultramontains, écrivait encore Bismarck, il n’y a point d’alliance durable ; toute concession, jusqu’à la soumission absolue, leur fera l’effet d’un acompte, d’un encouragement. » Et encore : « L’esprit envahisseur qui règne dans le camp catholique nous forcera, à la longue, à livrer une bataille rangée. » Léopold de Gerlach pensait et parlait comme Otto de Bismarck : ce qu’il reprochait à l’Eglise romaine, c’était de ne point être l’alliée de l’absolutisme ; ce dont il la soupçonnait, c’était de coquetteries à l’endroit des révolutions. Le luthéranisme des féodaux prodiguait à l’ « orthodoxe » Russie courtoisies et tendresses : il y avait là, du moins, de l’autre côté du Niémen, un absolutisme inflexible, sur lequel on pouvait compter, une religiosité rigoureusement conservatrice, de poigne solide et d’exemple efficace. Le gouvernement de Berlin provoquait les protestations des évêques en soupçonnant les catholiques prussiens de conspirer contre le bon ordre en Russie ; et les affinités électives de la Prusse évangélique avec la Russie schismatique opposaient un contrepoids à d’autres affinités, naturelles celles-là, et d’autant plus périlleuses qu’invisibles, qui rapprochaient, disait-on, la théocratie papiste et la turbulente démocratie. A l’issue des rêves où s’attardaient laborieusement les conservateurs, on aurait vu le protestantisme, confession d’État, fort de son alliance étrangère avec le césaro-papisme de Pétersbourg, opprimer d’une sorte de dictature, au dedans même du royaume de Prusse, les consciences sujettes de Rome.

Le premier acte de ce programme était la concession à l’Eglise évangélique d’une série de faveurs budgétaires : elles donnèrent lieu, tout de suite, à de graves escarmouches, dans lesquelles les fidèles de l’Eglise romaine se révélèrent comme une force.

La Prusse, « État évangélique, » commettait une anomalie en donnant annuellement à l’Eglise catholique 719 465 thalers, et seulement 328 770 thalers à l’Eglise évangélique. Le conseil