Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/689

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un débat s’engagea devant la Chambre, en février 1853. Waldbott, les deux frères Reichensperger, réclamèrent le retrait des circulaires. Ils furent plus convaincans dans leur exposé qu’impérieux dans leurs conclusions. Devant la commission comme devant la Chambre, Raumer avait donné des explications si rassurantes pour les missionnaires et si rassurantes pour les séminaristes, que les circulaires semblaient destinées à demeurer à peu près lettre morte. Cela suffisait à Mallinckrodt ; il n’était pas d’avis de pousser trop loin la victoire, de crainte qu’ensuite la réaction protestante ne se déchaînât avec trop de violence. Au vote, la motion catholique succomba ; mais, en fait, les catholiques étaient exaucés : « Notre cause, écrivait l’évêque Foerster, a remporté une victoire morale, qui dépasse en importance les plus brillans succès de façade, » et Montalembert, félicitant Auguste Reichensperger, considérait cette discussion comme « l’une des plus belles pages dans l’histoire politique des temps modernes… » C’était en vain que Léopold de Gerlach, s’entretenant avec Raumer de la question des Jésuites, dénonçait obstinément l’esprit querelleur des Romains, et la manie de division qui les poussait à dogmatiser sur l’Immaculée Conception ; et c’était en vain qu’il boudait et bousculait le Roi lui-même, qui rêvait toujours de dépêcher aux évêques le catholique Radowitz pour conclure entre l’État et l’Eglise un bon traité. Le Roi, lorsque Gerlach était trop gênant, l’appelait gravement : « Monsieur le lieutenant général ; » et du sectaire qu’était Gerlach, il ne restait plus qu’un militaire, qui se taisait. Il se taisait, jusqu’à ce qu’il recommençât ; il se taisait d’un silence pesant et douloureux, sentant que l’incident des circulaires avait fortifié la cohésion du parti catholique, et qu’au scrutin, les protestans appartenant aux partis libéraux avaient confondu leur vote avec ceux des Romains.

Pour les féodaux de la vieille Prusse, pour un Léopold de Gerlach, pour un Bismarck, une telle alliance était impardonnable. Toute la philosophie de leur parti se résumait en une formule : l’État prussien est un État évangélique. Le mouvement de réaction qui vengeait l’État prussien des menaces de la Révolution devait, tout en même temps, exalter l’Évangile de Luther. Bismarck, que les débuts parlementaires des ultramontains rendaient anxieux, souhaitait de toute son âme que l’opposition libérale, dangereuse pour l’État, et l’ultramontanisme,