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toutes leurs pensées et tous leurs efforts, tous leurs discours et tous leurs actes visaient à mûrir les autres fruits qu’ils espéraient ; le plus précieux à leurs yeux serait la paix religieuse entre les confessions.

Observons, en face de cette altitude et de cet idéal, pour les faire mieux comprendre et leur servir, si l’on ose ainsi dire, de repoussoir, l’attitude et l’idéal qu’étale sous nos regards, à la même époque, l’un des meilleurs préfets du parti conservateur évangélique, Kleist-Retzow.

Président supérieur dans la province rhénane de 1851 à 1858, sa piété rigide et sincère faisait l’unité de sa vie. Parce que protestant croyant et dévot, il s’insurgera plus tard contre les maximes du Culturkampf qui lui paraîtront aussi menaçantes pour l’orthodoxie protestante et pour l’idée même du surnaturel que pour l’orthodoxie romaine. Mais parce que protestant croyant et dévot, il se donnait comme tâche, au temps où il administrait les pays rhénans, d’y fortifier l’établissement religieux protestant et d’y rendre plus ardente, plus vivante et plus susceptible la conscience évangélique. Il aimait peu la répression ; il temporisait longuement avant de suspendre, à Cologne, le journal catholique dont les autorités berlinoises lui dénonçaient les tendances autrichiennes. Mais ce qu’il détestait et ce qu’il prétendait empêcher, c’était la descente du catholicisme dans la vie publique : associations catholiques, congres catholiques, trouvaient dans Kleist-Retzow un inflexible ennemi. Il fut seul responsable, en 1854, de la prohibition officielle du congrès catholique qui devait se tenir à Cologne. Léopold de Gerlach l’en blâmait : » Ce n’est jamais sage, lui disait-il, ce n’est jamais une bonne chose, de se mêler des affaires de l’Eglise romaine, si on n’y est pas absolument forcé. » Mais Kleist demeurait inflexible. Il achevait de s’aliéner le clergé rhénan lorsqu’il défendait aux catholiques d’Aix-la-Chapelle d’élever une colonne commémorative de la proclamation de l’Immaculée Conception. Que des prêtres pieux formassent un peuple pieux, Kleist-Retzow y consentait, et même il y tenait ; mais si le catholicisme, sortant de ses sacristies, prétendait devenir un élément de l’opinion publique, un facteur de la vie politique, alors halte-là ! Le piétisme aurait aimé que l’Eglise évangélique jouât un semblable rôle dans la vie nationale ; elle ne le pouvait à cause de la subordination constitutionnelle qui l’attachait et