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Reichensperger, toujours au nom de la Constitution, souhaitait expressément pour cette secte le droit de donner aux enfans de ses fidèles l’enseignement religieux. Un Israélite se rencontra, en 1858, pour publier à ses frais, en un volume massif, tous les discours prononcés par les frères Reichensperger en dix années d’activité parlementaire. Dans cette Allemagne archaïque où la conception piétiste de l’« État chrétien » frappait Israël d’ostracisme, Reichensperger s’appuyait sur le christianisme même pour attaquer cette conception : « Le christianisme, disait-il, est cosmopolite par essence, il n’est pas susceptible d’être nationalisé, et c’est à mes yeux l’un des traits principaux qui le distinguent du paganisme. » Déjà, au Parlement d’Erfurt, il s’était insurgé contre le vœu de Gerlach, qui voulait que le christianisme fût proclamé religion nationale ; il semblait à Auguste Reichensperger que la religion du Christ ne comportait ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Les protestans, enfin, n’avaient rien à envier aux Juifs lorsque d’aventure un de leurs droits était lésé ; alors encore, la fraction catholique intervenait. On vit un jour Mallinckrodt lui-même, malgré l’hostilité du rapporteur, faire prendre en considération la pétition de quelques familles protestantes qui demandaient que leur commune fût obligée de subventionner une école évangélique de treize enfans.

L’année 1848 n’était pas encore loin, année fiévreuse, année confuse, où les événemens s’étaient précipités comme à la course, exaltant et troublant les âmes par un certain besoin d’équité, de générosité, d’entr’aide pour le bon droit ; et puis, brusquement, courbées sous le vent des réactions inévitables, les âmes avaient paru s’affaisser. Mais l’un des groupemens dans lesquels s’attarda le plus longuement l’esprit idéaliste de 1848 et dans lesquels se prolongèrent le plus fidèlement, avec une sorte d’impénitence, certaines idées de justice et d’égalité devant le droit commun, fut la fraction catholique de la Chambre prussienne. Elle estimait, comme l’expliquaient en 1858 les Feuilles historico-politiques de Munich, que « la liberté de l’Eglise succomberait si elle ne cessait pas peu à peu d’être une exception et si l’autonomie politique ne devenait pas la règle. » Les revendications des catholiques formaient ainsi comme un chapitre d’un vaste programme politique. La doctrine de l’autonomie, disaient-ils, a montré son acte de baptême catholique en mettant au monde, comme premier fruit, la liberté de l’Église ;