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temps. Jadis, sur le siège de Cologne, s’étaient succédé Spiegel, un ami du roi de Prusse, que le pape avait dû désavouer, et puis Droste-Vischering, un fidèle du pape, que le roi de Prusse avait fait enfermer ; aujourd’hui Geissel était, tout ensemble, l’ami du roi de Prusse et le fidèle du Pape. Le personnage d’Église le plus apprécié à Berlin était le même qui provoquait Reisach à lui confier les désirs de Rome, qui s’appliquait à les devancer, qui avait, dès 1848, donné l’exemple d’autoriser dans son diocèse des résidences de Jésuites, et qui se faisait remarquer, tant à Cologne qu’à Rome, par ses bons rapports avec ces Pères.

C’était à Rome même, en 1857, aux côtés de Reisach, à proximité de Pie IX, que Geissel élaborait le plan du futur concile provincial de Cologne ; de retour en son diocèse, il invoquait le concours du Père Wilmers, Jésuite, pour en achever la préparation ; et l’infaillibilité pontificale était affirmée pour ce concile, dix ans avant d’être définie.

Nul ne contribua plus que Geissel, dans l’épiscopat de l’époque, à ouvrir l’Allemagne aux souffles de Rome. D’autres à sa place auraient peut-être, sous les formes convenues du respect, tenté de mesurer à ces influences leur champ d’action, et l’on aurait pu voir l’Église de Cologne s’installer dans une certaine attitude de défensive, ou tout au moins de surveillance, vis-à-vis des exigences des congrégations romaines comme vis-à-vis des empiétemens de Berlin. Un Diepenbrock, subtil et nuancé, se fût peut-être laissé tenter par ce rôle, s’il eût vécu. Mais Geissel envisageait l’histoire contemporaine de l’Eglise avec le coup d’œil sommaire et sûr d’un homme de gouvernement. Les manèges frondeurs n’étaient point son fait ; il sentait à l’avance qu’ils seraient déjoués par la vie collective de l’Église universelle, définitivement aiguillée dans une certaine direction ; qu’une incoercible force d’amour poussait la foule des âmes pieuses à s’abandonner à la maîtrise de Pierre et de Pie IX, et que les élans de ce suffrage universel devaient passer outre, victorieusement, aux susceptibilités de l’aristocratie intellectuelle, aux doctes chicanes de certains théologiens, aux érudites réserves de certains canonistes. « Ce n’est pas le moment, disait-il un jour à l’abbé Bautain, d’entrer en de petites discussions avec Rome au sujet de telles ou telles mesures d’importance secondaire ; partout, en France comme en Allemagne, notre devise doit être : l’unité avec le Saint-Siège, absolue, publique, loyale. » Plénipotentiaire