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donnait confiance. De longue date, il avait eu de l’affection pour le cardinal Diepenbrock ; il s’attacha au cardinal Geissel à mesure qu’il apprit à le connaître. L’absence de nonciature amenait l’opinion prussienne à considérer ces deux prélats comme étant à quelque degré les porte-paroles de Rome : leur pourpre leur tenait lieu de lettres de créance, et publiquement, officiellement, Frédéric-Guillaume IV leur témoignait une chaude cordialité. « Notre Roi est un cœur généreux, écrivait Geissel, en 1856, à l’évêque Martin, de Paderborn. Il veut du bien aux évêques et même à ses sujets catholiques ; il n’y a pas, dans son humeur, cet acide d’odeur calviniste, qui mord, qui brûle, et qui, au contact des choses ou des personnes catholiques, entre tout de suite en bouillonnement. » Lorsque, cette même année, au congrès catholique de Linz, parmi les hommages à François-Joseph qui venait de signer le Concordat, un curé de Cologne élevait la voix pour célébrer Frédéric-Guillaume IV comme le prince qui le premier avait affranchi l’Eglise, ce curé traduisait exactement les sentimens des catholiques prussiens.

Il est malaisé pour une Eglise d’être humble dans sa victoire : elle l’identifie, tout naturellement, avec la victoire de Dieu. Cette pensée la soulève, l’exalte ; elle interprète comme une revanche de la Providence les vicissitudes de la destinée ; elle y voit, au jour le jour, l’accomplissement des psaumes vengeurs, murmurés au bréviaire, entonnés à l’office, de ces psaumes qui suspendent sur les ennemis de la race élue la puissante menace du bras divin.

Au lendemain même des tourmentes persécutrices acceptées comme un âpre privilège et presque comme une grâce d’élection, comment les Eglises ne seraient-elles pas tentées de scander par des Alleluias provocateurs la retraite ou les capitulations de l’ennemi ?

Le règne de Frédéric-Guillaume IV succédant à celui de Frédéric-Guillaume III, c’était, pour l’Eglise de Prusse, l’amende honorable succédant à l’outrage. L’histoire le constate, l’histoire a le droit de le dire ; mais ce droit, l’Eglise elle-même ne l’avait pas. Lorsque, en 1832, le roi de Prusse désira que le chanoine München, discrédité jadis par ses complaisances à l’endroit du gouvernement de Frédéric-Guillaume III, devînt prévôt du chapitre de Cologne, le chanoine, à la demande du Saint-Siège, signa une rétractation de ses anciens erremens. Immédiatement,