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l’Allemagne enviaient cette bonne fortune à leurs coreligionnaires prussiens.

D’autres caprices restaient à redouter : ceux de l’administration. Nourris dans les traditions de la vieille Prusse, recrutés et stylés par le gouvernement de Frédéric-Guillaume III, les bureaucrates s’imaginaient qu’en surveillant et en matant l’Église, ils travaillaient pour le service de l’Etat. Supposez la Déclaration des droits de l’homme appliquée par des intendans de l’ancien régime : ils eussent accumulé les contresens et multiplié les entorses. La déclaration des droits de l’Eglise, telle qu’elle résultait des Constitutions de 1848 et de 1850, était indéchiffrable, inintelligible, pour une génération de bureaucrates qu’avait dressés le régime antérieur. Ils avaient des formules toutes faites pour commander l’obéissance des religions à l’Etat, des armes toutes prêtes pour l’imposer ; 1848 avait disloqué ces formules, émoussé ces armes ; et leur esprit de routine demeurait tout déconcerté : il leur semblait qu’en leur personne, l’État fût désormais humilié. Mais que certaines voix s’élevassent, dénonçant l’Eglise romaine comme une antagoniste de la civilisation, cet esprit de routine, alors, se donnerait à lui-même l’illusion d’être un esprit de progrès, et la bureaucratie se flatterait de travailler pour l’avenir en appliquant de nouveau, pour la gestion de l’établissement religieux, certaines recettes antiques et démodées.

C’est un cas très isolé que celui d’un Duesberg, président supérieur à Munster, qui, grâce à son catholicisme notoire, achevait la difficile assimilation des provinces westphaliennes au royaume de Prusse ; et Bodelschwingh, le président d’Erfurt, préparant la disgrâce du fonctionnaire Volk, parce qu’en 1855 Volk s’était fait catholique, représente beaucoup plus exactement les tendances coutumières auxquelles s’abandonnait, dans son ensemble, la haute administration prussienne.

De ce fait, la situation de l’Église n’était pas sans péril ; mais ce péril même rendait précieuse pour elle l’existence au ministère des Cultes d’un bureau spécial qui s’appelait la division catholique (Katholische Abteilung), et dans lequel les évêques trouvaient portes ouvertes et bon accueil.

En créant, au début de son règne, cette curieuse institution, Frédéric-Guillaume IV, « évêque souverain » de l’établissement évangélique, avait paru admettre, implicitement, que, pour traiter