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mémoire que le Duc de Bourgogne se proposait d’adresser au Pape pour se disculper auprès de lui, et pour détruire le bruit, habilement répandu par les Jansénistes, qu’il était favorable au parti. La modération dont il avait fait preuve dans le différend survenu entre le cardinal de Noailles et les évêques de Luçon, de Saint-Flour et de Gap, qu’il était chargé par le Roi d’accommoder, avait donné naissance à ce bruit. Le Duc de Bourgogne s’en était ému. Nous savons par une lettre de Mme de Maintenon au duc de Noailles[1]qu’il avait songé à faire connaître publiquement son sentiment sur cette affaire. En publiant avec quelque solennité, le mémoire préparé par le Duc de Bourgogne, Louis XIV ne fit donc pas autre chose que donner suite à une pensée de son petit-fils, et rien ne vient à l’appui de la supposition de Saint-Simon que le texte de ce mémoire ait été plus ou moins altéré. Le ton en est respectueux et mesuré. Si le Duc de Bourgogne condamne la doctrine janséniste, il ne se prononce point avec vivacité contre les personnes. On y sent un esprit juste et une âme charitable[2]. Il entrait dans la politique de Louis XIV, qu’irritaient la recrudescence du jansénisme et l’entêtement du cardinal de Noailles à ne point retirer l’approbation donnée par lui au livre du Père Quesnel, de se faire arme de tout. La piété du Dauphin, son austérité bien connue donnaient du poids à son opinion. Peut-être aussi Louis XIV avait-il voulu reconnaître, par cet hommage rendu à l’autorité du Saint-Siège, l’éloge que, dans un consistoire convoqué tout exprès, Clément XI avait fait du Duc de Bourgogne et l’honneur extraordinaire qu’il avait rendu à sa mémoire en célébrant lui-même, dans sa chapelle particulière, des obsèques publiques et solennelles, honneur dont les rois de France étaient privés depuis l’excommunication de Henri III par Sixte V. Les Jésuites, triomphèrent de la publication du mémoire. Les Jansénistes, pour parer le coup, essayèrent d’en révoquer en doute l’authenticité. « Mgr le Dauphin, dit l’abbé Ledieu dans son Journal, y parle des subtilités du jansénisme et de toutes les distinctions les plus fines sur la grâce d’une façon qui fait connoître que l’écrit n’est point de lui. » Un de leurs polémistes ordinaires, Nicolas Petitpied, dans un factum intitulé : Réflexions sur un écrit intitulé : Mémoire de Mgr le Dauphin,

  1. Madame de Maintenon d’après sa correspondance authentique, t. II, p. 297.
  2. Ce mémoire a été reproduit in extenso par Proyart, t. II, p. 296.