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malignes. Ces faits sont assez fréquens au cas de scarlatine ; ils ne sont pas rares au cas de rougeole. Les mêmes considérations me paraissent pouvoir s’appliquer au cas du Duc de Bourgogne[1]. » Ainsi, après deux cents ans, ou peu s’en faut, écoulés, l’opinion exprimée par Mareschal reçoit l’appui de la science moderne. Cette tardive revanche sur Fagon et Boudin était due au courage et à la clairvoyance de l’habile praticien qui fut le fondateur de l’Académie de chirurgie, et qui méritait les lettres de noblesse et de « maintenue de noblesse, » dont il fut successivement honoré par Louis XIV et par le duc d’Orléans


IV

Les regrets causés par la mort du Duc et de la Duchesse de Bourgogne furent universels. Tous les documens contemporains nous en ont transmis l’expression. « Ils ne sont plus, s’écriait le Mercure de février 1712. Le Dauphin n’a pu survivre à son épouse. Il n’a pu supporter sa perte. Comment pourrions-nous supporter la vôtre ! Toute la France est consternée si sa douleur ne va pas jusqu’au désespoir… Nous nous sommes attiré des coups si terribles, mais le ciel a épuisé sur nous toute sa colère. Oui sans doute, sa main est lassée à force de nous chastier : elle va se reposer pour longtemps[2]. »

On voudrait avoir quelque lettre de Mme de Maintenon, écrite sous le coup de la première douleur, mais c’était Mme de Caylus qui prenait la plume à sa place pour informer la princesse des Ursins : « Quel étrange et funeste événement, madame, lui écrivait-elle, par lequel je rentre en commerce avec vous, et quel plaisir n’aurois-je point, si ma tante m’avoit donné cette commission pour un autre sujet ! Je ne saurois vous peindre l’état où nous sommes ici, et quand je le pourrois, je ne le voudrois pas… Tout est mort ici, madame ; la vie en est ôtée : cette princesse animoit tout, nous charmoit tous. Nous sommes encore comme enivrés et étourdis de notre perte, et chaque jour ne peut

  1. La consultation post mortem que M. le professeur Dieulafoy a bien voulu nous délivrer sera publiée par nous in extenso à la suite de ces études lorsque nous les réunirons en volume. Nous ajouterons que M. le docteur Cabanes, qui a fait une étude particulière des morts mystérieuses de l’histoire, conclut également à la mort naturelle
  2. Mercure de février 1712, p. 1.