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Duchesse de Bourgogne, qui n’était point de leurs ennemis, mais sur qui leur mort inopinée allait faire peser la plus odieuse accusation. C’était le duc d’Orléans. Le personnage est trop connu, il a joué un rôle historique trop important pour que nous ayons à faire son portrait. D’un esprit très cultivé, d’une intelligence très ouverte, d’une humeur facile et douce, celui qui devait être un jour le Régent gâtait depuis longtemps ses qualités nombreuses par une faiblesse de caractère qui lui faisait subir les influences les plus fâcheuses, par un penchant à la débauche qui l’entraînait parfois jusqu’aux plus bas désordres, et par une affectation d’impiété qui faisait contraste avec le ton et les habitudes extérieures de dévotion en honneur à la Cour. Conscient de son mérite, très supérieur à tous les autres princes, sauf peut-être au prince de Conti, mort quelques années auparavant, ayant donné des preuves véritables de valeur et de talent militaire au siège de Lérida et même à la défaite de Turin, il souffrait du rôle effacé auquel il était condamné par le Roi, assez volontiers jaloux et méfiant des princes de sa maison qui faisaient montre de quelque mérite exceptionnel. Des rêves ambitieux le traversaient parfois. C’est ainsi qu’envoyé en Espagne pour appuyer Philippe V, il n’avait pas laissé d’intriguer contre lui et de nouer des relations occultes avec les représentans des puissances alliées pour se faire agréer par elles comme roi d’Espagne au cas où la fortune des armes aurait décidément tourné contre Philippe V. Peu s’en était fallu que ces menées n’entraînassent pour lui des conséquences plus fâcheuses qu’il n’eût été tout à fait juste, et qu’il ne devînt l’objet d’une accusation de haute trahison. Il avait échappé au péril, mais, depuis lors, il vivait à la Cour dans l’oisiveté d’une demi-disgrâce. Pour s’en distraire, il s’était tourné vers une occupation parfaitement légitime et inoffensive en elle-même, qui n’en devait pas moins être l’occasion et le prétexte des accusations dirigées contre lui. Il avait toujours eu du goût pour les sciences naturelles. Il aimait à s’en entretenir avec ceux qui partageaient son goût, entre autres avec le duc de Chevreuse avec lequel il n’avait guère d’autre point commun. Pour satisfaire cette curiosité, il s’était donné, au Palais-Royal, le luxe d’un cabinet de chimie où il se livrait à des expériences. On croyait qu’il poursuivait la pierre philosophale. Il n’en était rien, mais, de temps à autre, il s’adonnait à des expériences qui sentaient plutôt