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habitude de la Duchesse de Bourgogne qui aurait déplu au Roi. Mais, le lendemain de la mort, on se souvint de cette disparition qui parut étrange, et qui, déjà, donna lieu à beaucoup de commentaires, sans que personne osât cependant accuser directement celui qui l’avait donnée, sauf un de ses ennemis personnels, l’archevêque de Reims, qui lui en voulait pour d’assez mesquines raisons. Le lendemain même de la mort de la Duchesse de Bourgogne, il s’en prit directement à Noailles, dans une conversation avec Saint-Simon qui, rendons-lui cette justice, malgré sa malveillance pour le maréchal, repoussa cette accusation avec indignation. L’archevêque ayant, sur le conseil de Saint-Simon, gardé pour lui « cette horrible pensée » et l’histoire de la boîte ayant été peu connue, personne ne s’avisa d’accuser sérieusement le duc de Noailles : c’était ailleurs et plus haut que les soupçons allaient se porter.

Nous avons déjà dit que, suivant l’usage, l’autopsie du corps de la Dauphine avait été pratiquée le lendemain de sa mort par Fagon, Boudin et Mareschal. Le procès-verbal de l’autopsie, tel que les médecins le rédigèrent, n’a point été conservé, et on n’en connaît que d’une façon très vague les résultats. Dangeau et Sourches se bornent à dire qu’elle ne révéla aucune cause pouvant expliquer sa mort. Mais ce que nous savons par Saint-Simon, c’est les discussions qui s’élevèrent entre les médecins. Fagon et Boudin ne doutèrent point qu’elle n’eût été empoisonnée et le dirent nettement au Roi. Mareschal soutint au contraire qu’il n’y avait aucune trace de poison, ou des marques si légères qu’elles ne signifiaient rien ; qu’il avait trouvé des marques pareilles dans plusieurs corps qu’il avait ouverts sans qu’il y eût jamais aucun soupçon de poison. Fagon et Boudin s’opiniâtrèrent dans leur avis, surtout Boudin, qui était comme un forcené ; Mareschal soutint le sien, et ce débat eut lieu devant le Roi et Mme de Maintenon, dont la douleur en dut être singulièrement augmentée. Mais ils n’étaient pas au bout de leur épreuve.

Le 19 février, il était procédé à l’autopsie du corps du Dauphin, en présence du duc d’Aumont, premier gentilhomme de la Chambre. Ce fut Mareschal qui ouvrit le corps. « On le trouva tout gangrené, dit Sourches, depuis les pieds jusqu’à la tête, ayant le cœur flétri et un des côtés du poumon pourri[1]. »

  1. Sourches, t. XIII, p. 303.