Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques symptômes d’indisposition. On crut d’abord que ce n’était qu’un mal passager, mais, au bout de deux ou trois jours, il fut pris de fièvre et de saignemens de nez. Les médecins s’alarmèrent. Fagon dit, sans se prononcer, que c’était le même mal auquel avaient succombé le Dauphin et la Dauphine. Cinq médecins furent appelés en consultation. Ils eurent recours aux mêmes remèdes : la saignée et l’émétique. Cependant le pauvre enfant était en proie à de tristes pressentimens. Quelques jours avant qu’il ne tombât malade, il avait dit à Mme de Ventadour : « Maman, j’ai rêvé cette nuit que j’étois en paradis, que j’y avois trop chaud, mais que tous les petits anges battoient des ailes autour de moi pour me rafraîchir[1]. » — « Maman, lui dit-il encore, lorsqu’il ressentit les premières atteintes de son mal, le voyage de Saint-Denis n’est pas un joli voyage. » Quelques jours après, le pauvre enfant faisait ce voyage qu’à peine deux semaines auparavant avaient fait ses parens. Le 7 mars, il expira. Le 10, son corps était transporté à Saint-Denis. L’évêque de Metz, premier aumônier du Roi, portait le cœur ; la duchesse de Ventadour, le duc de Mortemart, premier gentilhomme de la Chambre du Roi et un certain nombre de gentilshommes ordinaires l’accompagnèrent. Il y eut à Saint-Denis une sorte de querelle assez indécente entre les moines et les gentilshommes de la Chambre, qui se disputèrent l’honneur de descendre le cercueil dans le caveau. Les gentilshommes s’en emparèrent ; mais, peu accoutumés à la fatigue de transporter un cercueil dans un escalier étroit, ils le déposèrent un instant pour reprendre haleine. Les moines en profitèrent pour reprendre le fardeau, et ce furent eux qui le descendirent dans le caveau.


III

Si, pour nous renseigner sur l’état des esprits durant ces jours tragiques, tant à Versailles qu’à Paris, nous n’avions d’autres sources que les Mémoires de Dangeau et ceux de Sourches, ou bien encore le Mercure de France, auxquels nous avons emprunté presque tous les détails qui précèdent, nous pourrions croire, malgré une phrase un peu ambiguë de Sourches, que la

  1. Souvenirs sur Mme de Maintenon, t. II, p. 313.