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pour le Roy son grand-père, dit Breteuil dans son Journal, arrivée dans celle des maisons de Sa Majesté où elle se plaît le plus, la luy rendit insupportable pour le moment. Elle n’y voulut point recevoir, comme elle avoit fait au mois d’avril, à la mort de Mgr le Dauphin, les complimens des dames en manie et des courtisans en manteau long. Elle remit à les recevoir à Versailles où Elle retourna dès que les cérémonies lugubres qu’on y fit pendant dix jours pour la pompe funèbre des deux jeunes princes permirent d’habiter ce château[1]. »

Le vieux Roi cherchait en effet un remède à son accablement dans la régularité de ses habitudes qu’il avait hâte de reprendre, et dont rien ne le faisait se départir complètement. Il continuait d’expédier les affaires et de pourvoir aux nominations. Le 26, il travailla de nouveau avec le Père Le Tellier, et alla même tirer dans l’après-midi. Ce fut le 27 qu’il rentra à Versailles et qu’il consentit à recevoir les complimens des courtisans. Mais les choses ne se passèrent point avec autant de cérémonie que Breteuil l’aurait souhaité. Le Roi monta dans ses cabinets « par le degré dérobé, » comme s’il fût revenu de quelque promenade ordinaire. Toutes les princesses en mante l’attendaient dans la chambre où était son lit et les hommes en manteau dans le grand salon. Le Roi ne les vit qu’à six heures, en passant pour se rendre chez Mme de Maintenon. La duchesse du Ludo, qui se tenait à la porte du cabinet avec les dames de la Duchesse de Bourgogne, fut la seule à qui il parla. « Madame, lui dit-il en l’embrassant, je ne suis pas en état de vous parler ; nous nous reverrons, » et, en effet, quelques instans après, il la fit appeler dans le cabinet de Mme de Maintenon. On devine, au récit sommaire de Breteuil, que Louis XIV avait hâte d’abréger ces condoléances banales et qu’il ne souhaitait point leur donner de solennité. Le pointilleux maître des cérémonies, dans son Journal, l’en blâme discrètement. « Il y a longtemps, dit-il, que toutes les actions de cérémonie se font à notre cour sans aucun ordre, parce qu’on ne veut pas se donner la peine d’arranger, avant le jour de la cérémonie, ce qu’il doit y avoir à faire, » et il se plaint ensuite de ce que les princes et princesses, étant retournés dans leurs appartemens, « toute la Cour alla leur faire

  1. Journal du baron de Breteuil. Année 1712.