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Roi, portant également des flambeaux, et trois carrosses à six chevaux fermaient la marche.

Ce long cortège, dont l’aspect, dans la nuit noire, devait être singulièrement lugubre et majestueux, mit près de huit heures pour, de Versailles, gagner Paris par Sèvres. Sur toute la route se pressait, malgré la nuit, une foule silencieuse et respectueuse. Il en fut de même durant presque toute la traversée de Paris, de la porte Saint-Honoré à la porte Saint-Denis. « On sut le lendemain, dit Sourches, que l’ordre avoit été admirable à Paris pendant la marche, qu’il y avoit une infinité de monde dans les rues, avec aussi peu de confusion et avec autant de silence que s’il n’y eût eu personne[1]. » Plusieurs couvens se trouvant sur le passage du cortège, les moines descendirent dans la rue, ayant leurs croix et leurs chandeliers, et chantèrent un De Profundis au passage du char. Lorsque de Saint-Denis, où le cortège arriva vers six heures du matin, on aperçut les premiers flambeaux, les cloches de l’abbaye sonnèrent en bourdon pour convoquer le clergé des autres églises, et tout le clergé de Saint-Denis, ayant les religieux à sa tête, se rendit au-devant du convoi jusqu’à la porte de Paris où, l’ayant joint, ils entonnèrent le Libera. Les personnes qui faisaient partie du cortège entrèrent dans l’église ; les pauvres y entrèrent également. Les maîtres des cérémonies avaient fait préparer dans le chœur des sièges et des carreaux pour les dames. Le duc d’Orléans, Dangeau, Tessé y prirent place avec elles. Dans le chevet de l’église, deux tables avaient été préparées, sur lesquelles furent déposés les deux cercueils sous un même dais. L’évêque de Senlis, en remettant les cercueils, prononça, suivant la coutume, une harangue à laquelle l’abbé de Saint-Denis répondit. Les moines entonnèrent ensuite une messe de Requiem, après laquelle le cortège se sépara. Les cercueils demeurèrent exposés dans l’église recouverts du même poêle. D’après la coutume, quarante jours devaient s’écouler avant qu’ils fussent descendus dans le caveau royal.


II

Depuis la mort du Duc de Bourgogne, le Roi était demeuré à Marly. « La mort du Dauphin, si touchante et accablante

  1. Sourches, t. XIII, p. 312.