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propre, et en quelque sorte, son autonomie. Cette dernière conclusion ne saurait être acceptée par une critique prudente. Mais la méthode d’analyse de M. Seek, reprise depuis lors par plusieurs savans, semble mettre du moins hors de doute qu’un certain nombre des épisodes odysséens ont été traités à plusieurs reprises par divers poètes avec des variantes importantes, et que plusieurs de ces variantes se trouvent aujourd’hui fondues ensemble dans toutes les parties du poème.

S’il en est ainsi, on ne saurait se flatter de reconstituer l’histoire des transformations intérieures qui ont amené peu à peu l’Odyssée à sa forme dernière. Toutefois, deux idées fondamentales peuvent servir du moins à l’éclairer. La première, c’est qu’il n’y a pas de liaison nécessaire entre la seconde partie (comprenant la délivrance d’Ulysse, son séjour chez les Phéaciens, ses récits de voyages), et la troisième (qui commence par son retour à Ithaque et se termine par sa vengeance). Ces deux parties ont pu former deux groupes de chants distincts ; car chacune d’elles constitue, en un certain sens, un tout, qui se suffit à lui-même. Et, par conséquent, elles ont pu évoluer séparément, pendant un certain temps au moins. Mais on conçoit aussi combien elles devaient tendre à se rapprocher, comme se faisant suite naturellement. Le XIIIe chant, qui les relie aujourd’hui, ne laisse plus apercevoir aucune trace d’une soudure artificielle. En outre, elles ont exercé l’une sur l’autre une influence mutuelle, dont on peut relever de nombreux indices. L’autre remarque, plus importante encore, se rapporte au rôle que joue la première partie, ou Télémachie, dans la contexture de l’ensemble.

Cette partie, depuis l’étude qu’en a faite Kirchhoff, ne semble plus pouvoir être regardée comme un tout indivisible. Car il a démontré, de la manière la plus frappante, qu’une portion au moins du premier livre était postérieure au second. Il serait nécessaire d’en déterminer plus exactement la relation mutuelle. Peut-être la difficulté vient-elle seulement du voyage de Télémaque, que l’on est trop porté à considérer comme le sujet propre de la Télémachie. Ce voyage, en réalité, pourrait bien être une invention plus récente, ajoutée après coup à celle de la visite d’Athéné, qui a pour conséquence immédiate l’assemblée et la sommation adressée vainement aux prétendans. Dans tous les cas, une Télémachie primitive, même ainsi réduite, paraît bien répondre à un dessein arrêté, qui a dû être d’unir