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est si troublée, me dit-elle, qu’elle n’est pas en état de mesurer ses paroles, et il ne faut s’engager d’aucun côté. »

Nous reprîmes le fil de notre discours, Mademoiselle reconnut qu’en effet il valait mieux qu’elle vînt chez moi. Elle allait s’y rendre, je l’accompagnerais seule, mais il me faudrait attendre. Son frère était sorti et elle ne partirait qu’après son retour.

Mme la duchesse d’Orléans revint une seconde fois :

— Ma sœur, ma sœur, voilà Sébastiani ! Il est furieux, vous savez.

— Soyez tranquille, je vais le faire venir ici. Furieux ou non, il faut bien qu’il se soumette à cette nécessité, je me charge de lui parler.

Elle sonna pour donner l’ordre de faire entrer le général Sébastiani chez elle. Je sortis avec Mme la duchesse d’Orléans par l’intérieur.

Je ne saurais peindre la scène de désordre que présentait alors le Palais-Royal. On avait profité du séjour de la famille à Neuilly pour entreprendre d’assez grandes réparations, dans plusieurs pièces. Les parquets étaient enlevés, on marchait sur les lambourdes au milieu du plâtre. Dans d’autres, les peintres étaient établis avec leur attirail.

Tout était démeublé, on heurtait des tapissiers portant leurs échelles, des valets replaçant des sièges.

A travers ce désordre circulaient des gens de toute nature. On mangeait dans toutes les pièces. Tout le monde entrait comme dans la rue. Et la garde de ce Palais, portant le costume dont j’ai parlé, formait une singulière disparate avec les lieux, si ce n’est avec la société.

Il n’y avait pas moyen de causer dans un pareil brouhaha. Mme la duchesse d’Orléans trouva seulement le temps de me dire, pendant notre retraite à travers les cabinets de Mademoiselle, qu’elle était plus tranquille sur Mme la Dauphine.

Celle-ci avait rencontré M. le duc de Chartres, dans la nuit précédente, près de Fontainebleau. Et comme on n’en avait pas d’autre nouvelle, c’était la preuve qu’il ne lui était rien arrivé de fâcheux. Elle devait avoir rejoint sa famille.

C’était une grande inquiétude de moins pour Mme la duchesse d’Orléans. Elle aime tendrement Mme la Dauphine. Et, dans toutes les tristes circonstances qui se sont succédé, c’est