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Ces préliminaires convenus, je me mis en route à l’heure fixée. Et puisque je me suis faite l’historienne des rues, il n’est peut-être pas inutile de remarquer l’aspect qu’elles présentaient.

Il y avait beaucoup de mouvement. On rencontrait un grand nombre de patrouilles armées régulièrement, quoique vêtues seulement d’un pantalon et d’une chemise comme les jours précédens, et presque toutes conduites par quelqu’un en uniforme.

Des ordonnances à cheval portaient des ordres en grande hâte. Tout cela entremêlé d’enfans, de femmes bien vêtues, circulant librement ; et, leur livre de prières à la main, se rendant aux églises, où les offices se célébraient et dont les portes s’étaient ouvertes précisément comme de coutume.

Tout le monde avait l’air affairé, curieux, pressé, mais pourtant calme et rassuré. Enfin, sauf les tranchées dans les rues, et l’étrange costume des troupes, on aurait pu se croire dans la matinée d’un beau dimanche, où la population se disposait à quelque représentation extraordinaire, qui, sans trop l’agiter, augmentait son activité accoutumée.

La ville avait l’aspect d’un jour de fête où la circulation des voitures est interdite.

Je trouvai Mme de Montjoie au rendez-vous, et après un véritable voyage dans le palais, en passant par les combles, nous arrivâmes chez Mademoiselle. Elle était dans sa petite galerie ; son cabinet, que je traversai pour y arriver, était encore jonché des vitres et des glaces brisées dans les journées précédentes. Les marques des balles se faisaient voir aussi dans les boiseries.

A peine étais-je arrivée et lui expliquais-je le message de Pozzo, que Mme la duchesse d’Orléans entra toute troublée :

— Ma sœur, voilà un tel, — un valet de chambre de Mme la duchesse de Berry dont j’ai oublié le nom, — qui vient prendre mes commissions pour la duchesse de Berry, que dois-je dire ? Je ne peux pas refuser de le voir.

— Dites des politesses insignifiantes, il n’y a pas besoin d’entrer en aucun détail par un tel messager, mais n’écrivez pas.

Mme la duchesse d’Orléans sortit. Mademoiselle courut encore après elle jusque dans la pièce suivante :

— Surtout, ma sœur, n’écrivez pas.

— Non, non, je vous le promets.

Mademoiselle revint à moi en souriant : « Ma pauvre sœur