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fers, disant qu’ils étaient au Roi, » écrit M. de Rochebaron, commandant en Lyonnais et en Forez.

L’assesseur de la maréchaussée assista à cette levée d’écrou en lui donnant par sa présence une consécration officielle, puis il en dressa procès-verbal.

Pour sortir de France, Mandrin fit un grand crochet vers le Nord. Il va toujours avec la rapidité du vent. Le voici, au 1er septembre, sur les confins de la Bresse. Il y entre par les collines arrondies du Maçonnais, d’où la Bresse paraît n’être qu’une forêt immense, soulevée, de-ci de-là, par des mouvemens de terrain aux pentes insensibles, dont les dernières lignes se confondent avec la plaine, dans les brumes de l’horizon. De ces hauteurs, vus à distance, les champs disparaissent parmi les bois. Ils sont coupés de halliers épineux, de larges buissons d’églantiers et d’aubépine, de longs rideaux de peupliers. Les villages se perdent dans les masses de feuillage, dont on ne voit émerger que les clochers pointus. Les contrebandiers s’y enfoncent, assurés d’échapper aux regards qui pourraient les guetter. Le 2 septembre, ils traversent l’unique rue de Pont-de-Veyle. Mandrin est pressé ; cependant il s’arrête, à l’autre bout de la ville, sur le vieux pont en dos d’âne, car il y a rencontré deux gâpians de Cormoranche, munis des appointemens de leur brigade. En faveur de cette circonstance il leur fit grâce de la vie, car il ne fallait pas que ces gâpians prissent la peine de porter cet argent plus loin. Une centaine de bonnes gens, qui assistèrent à la scène, y applaudirent de tout cœur.

Au tournant de la route, Pont-de-Veyle a disparu, car la petite ville est si basse qu’elle semble s’enfoncer dans les eaux ; dans les eaux de la Veyle, dans les eaux des douves et des fossés qui l’enserrent de toute part.

Au moment de sortir de France, sur la frontière suisse, le 5 septembre, au Fort de Joux, Mandrin voit encore de loin, sous les murs du château, une troupe de gâpians. C’est l’adieu des contrebandiers avant de repasser la frontière : une salve bruyante, dont l’un des « employés » est tué et dont plusieurs sont blessés grièvement.

Mandrin, une fois encore, est hors d’atteinte.

Revenant sur la manière dont les contrebandiers avaient pu faire cette troisième campagne, l’intendant d’Auvergne se plaignait au contrôleur général de ce que la maréchaussée n’avait