Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/586

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mieux les d’Orléans, cherchait à établir une grande distinction entre Mme la duchesse d’Orléans, son mari et sa sœur. On lui aurait volontiers fait une place à part si elle avait voulu l’accepter[1].

Or, comme toutes les contrariétés et les manifestations, qui se trouvaient sur le chemin des heureux habitans du Palais-Royal, tenaient à cette inimitié de la branche régnante, Mme la duchesse d’Orléans se croyait doublement obligée de faire cause commune, et d’adopter, sans réflexion, les décisions de Mademoiselle.

De là, venait l’habitude de se laisser conduire par elle, et de ne jamais chercher à combattre l’influence qu’elle pouvait avoir sur son frère, objet de leur commune adoration. Je ne crois pas ce scrupule de Mme la duchesse d’Orléans demeuré à la Reine des Français.

Il n’y a eu aucun refroidissement entre les deux princesses, mais elles n’ont pas toujours été unanimes sur des questions importantes. La Reine parfois a exprimé, défendu et soutenu ses opinions avec chaleur, en cherchant à user de son crédit sur l’esprit du Roi.

Jamais sentiment n’a été plus passionné que celui de Mme la duchesse d’Orléans pour son mari. La ferme persuasion où elle est que tout ce qu’il décide est toujours :


Wisest, discreetest, best,


a été pour elle un motif de grande consolation dans la mer orageuse où les circonstances l’ont poussée.

Elle y est entrée avec une extrême répugnance. Elle a prié, bien sincèrement, que ce calice s’éloignât d’elle. Mais une fois ce parti pris, elle l’a accepté complètement.

On a spéculé sur ses regrets, les partis se sont trompés. Et six semaines après la matinée dont je viens de parler, elle me disait : « Maintenant que cette couronne d’épines est sur notre front, nous ne devons plus la quitter qu’avec la vie ; et nous nous y ferons tuer s’il le faut. »

Cette énergie calme ne l’empêche pas de s’identifier, avec

  1. Fille du roi de Naples, arrière-petite-fille de Philippe V d’Anjou, nièce, par sa mère, de la reine Marie-Antoinette, Mme la duchesse d’Orléans avait droit d’après l’étiquette si stricte de la Cour de France à un rang différent de celui qui revenait à M. le duc d’Orléans et à Mlle d’Orléans.