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princesses d’Orléans, et comment je comprends leur caractère.

La tourmente révolutionnaire ayant jeté mes parens à Naples, j’étais souvent appelée auprès des filles de la Reine. Mon âge se trouvait plus rapproché de celui de Madame Amélie, c’était avec elle que je jouais le plus souvent. Elle me distinguait de ses autres petites compagnes. Ceci se passait en 1794 et 1795.

A son arrivée en France, vingt ans après, Mme la duchesse d’Orléans n’avait pas oublié cette camaraderie d’enfance. Elle donnait un caractère particulier aux relations qui s’établirent entre nous. J’eus occasion de les cultiver pendant le temps où, mon père étant ambassadeur en Angleterre, la famille d’Orléans vivait dans une sorte d’exil aux environs de Londres.

Ceci explique comment, sans être commensale du Palais-Royal, j’y étais souvent plus avant dans les confidences des chagrins et des contrariétés de la famille, que les personnes dont les habitudes pouvaient sembler plus intimes.

Je ne saurais assez exprimer la profonde vénération et le tendre dévouement que j’éprouve pour Mme la duchesse d’Orléans. Adorée par son mari, par ses enfans, par tout ce qui l’entoure, le degré d’affection, de vénération qu’elle inspire est en proportion des occasions qu’on a de l’approcher.

La tendre délicatesse de son cœur n’altère ni l’élévation de ses sentimens, ni la force de son caractère. Elle sait merveilleusement allier la mère de famille à la princesse. Et quoiqu’elle traite tout le monde avec les apparences d’une bienveillance qui lui est naturelle, cependant c’est avec des nuances si habilement marquées que chacun peut reconnaître sa place sur un plan différent.

A l’époque dont je parle, Mme la duchesse d’Orléans, quoique extrêmement considérée dans le conseil de famille, où régnait l’accord le plus parfait, s’était persuadé à elle-même n’entendre rien aux affaires, et pensait que Mademoiselle, par la rectitude de ses idées et la force de son esprit, était beaucoup mieux appelée à s’en occuper.

Aussi se mettait-elle volontairement sous la tutelle de sa belle-sœur, dans tout ce qui semblait affaire, ou parti politique à prendre. Peut-être aussi cette attitude tenait-elle à cette délicatesse de cœur qui, même à son insu, dirige toutes ses actions.

La Cour, surtout sous Louis XVIII, car Charles X traitait