Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fort préoccupée de ma fatigue et de l’extrême chaleur que j’avais eue en venant à Neuilly. Elle m’avait fait préparer une voiture pour retourner jusqu’à la barrière. On vint avertir qu’elle était prête.

La princesse voulait encore me retenir ; mais je lui fis comprendre combien il pouvait être essentiel que je visse Pozzo le plus tôt possible. Elle me fit promettre de revenir le lendemain, soit à Neuilly, soit au Palais-Royal où elle espérait être, et je sortis.

Je trouvai un valet de chambre de Mademoiselle qui m’attendait pour me ramener chez elle. Elle me demanda comment j’avais laissé sa belle-sœur ; je lui répondis : « Un peu plus calme, mais bien affectée. »

Il me fut évident que les deux princesses, malgré leur intimité habituelle, ne s’entendaient pas dans ce moment.

Je répétai à Mademoiselle ce que j’avais osé conseiller à Mme la duchesse d’Orléans sur son entrée dans Paris. Je ne lui trouvai pas, j’en dois convenir, les mêmes genres de répugnances. Mais c’était une démarche trop importante, me dit-elle, pour en prendre l’initiative sans l’ordre de son frère.

Cela était vrai, mais, si la demande avait été faite, il ne fallait qu’une heure pour avoir la réponse ; pendant ce temps, on aurait préparé les voitures. Et l’arrivée de sa famille portée sur les bras du peuple, comme cela serait arrivé infailliblement, aurait fourni un excellent argument à M. le duc d’Orléans contre un petit noyau de factieux, auquel on donnait trop d’importance, parce que lui seul parlait et se montrait.

Le sort en décida autrement. Les princesses arrivèrent au Palais-Royal à minuit, à pied, ayant été en omnibus aussi loin que les barricades le permettaient, et sans être reconnues. Je ne puis m’empêcher de regretter encore qu’on n’ait pas, ce jour-là, préféré la marche indiquée par mon zèle.

Quoique, dans ma conversation avec Mademoiselle, nous n’eussions pas été au-delà du Lieutenant général et qu’avec sa belle-sœur j’eusse prononcé le mot de Philippe VII, je n’en partais pas moins persuadée que Mademoiselle désirait vivement voir la couronne de France sur le front de son frère, tandis que Mme la duchesse d’Orléans envisageait cet avenir avec répugnance et terreur.

C’est peut-être le moment de dire mes rapports avec les deux