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Je lui demandai si on savait assez au Palais-Royal la profonde aversion de Pozzo pour le général Sébastiani, et à quel point sa nomination aliénerait infailliblement l’ambassadeur qui était dans les meilleures dispositions.

J’ajoutai que, si je savais une heure où je ne gênerais pas, je serais bien tentée d’affronter les barricades et d’aller reprendre ma conversation du mardi. J’envoyai ce billet au Palais-Royal. On me rapporta pour réponse que tout le monde était à Neuilly, mais mon billet allait y être porté. Je crus que M. de Fréville s’était trompé en nous disant, la veille au soir, M. le duc d’Orléans arrivé au Palais-Royal. Il y était pourtant ; mais rien n’était encore décidé, et on gardait le secret sur sa présence.

Je reçus une lettre de ma mère ; elle m’était apportée par le régisseur de Pontchartrain, Moreau. Il avait laissé son cabriolet en dehors des barrières ; et se faisait fort de m’emmener, si je voulais y consentir.

Ma mère m’en sollicitait. Elle voyait déjà un de ses enfans assiégé et affamé par l’autre ; et se reportait au temps de la Henriade, avec toute la vivacité de son imagination. Ces malheurs semblaient d’autant moins présumables cependant que Moreau m’annonça l’abandon de Saint-Cloud.

Le Roi se retirait, la route de Versailles était couverte de troupes ayant l’air consterné et semant des déserteurs par groupes de tous les côtés. J’allai porter cette nouvelle à M. Pasquier. Je trouvai chez lui le duc de Broglie. Il savait déjà lare-traite sur Rambouillet ; l’un et l’autre m’engagèrent fort à rester à Paris, comme dans le lieu où il pouvait y avoir le plus de sécurité.

M. de Broglie y avait appelé sa femme et ses enfans. J’étais facile à persuader, car je prenais trop d’intérêt aux événemens pour souhaiter m’éloigner. Je retournai donc chez moi pour écrire à ma mère…

Tandis que j’écrivais, il m’arrivait visite sur visite. Tout le monde était au désespoir, car rien ne se décidait, rien ne se publiait.

Les mêmes gens, qui depuis ont dit, soutenu, imprimé que M. le duc d’Orléans était tellement nécessaire qu’il pouvait se faire prier longtemps et n’accepter qu’aux conditions les plus avantageuses, s’alarmaient, se désolaient alors de chaque heure