frère du grand Bouret, de qui Diderot parle si plaisamment dans le Neveu de Rameau. Bouret d’Erigny venait d’épouser une cousine de la Pompadour.
Et partout les brigades de gâpians sont doublées. Cordon immense de troupes qui interceptent tous les passages depuis le Jura jusqu’à la Méditerranée : le comte de Saux-Tavanes est posté à Dijon, le baron d’Espagnac à Bourg, le comte de Marcieu à Grenoble. Le gouverneur d’Autan en écrit au ministre de la Guerre : « Quand fera-t-on cesser cette chaîne humiliante et coûteuse de tant de troupes assemblées dans trois ou quatre provinces, uniquement à l’occasion de ce bandit ? »
Imagine-t-on un plus éclatant hommage à la puissance d’impulsion, à l’énergie, à l’activité de l’humble maquignon de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs ?
Coupant les lignes qui avaient été disposées pour lui fermer la route, Mandrin rentre de Savoie en France, le 20 août 4754. Le 25 août il passe la nuit, avec ses hommes, à Saint-Georges-d’Aurac. Le 26, il est à Brioude. Partout les receveurs des Fermes, les entreposeurs et les buralistes des fermiers généraux reçoivent des marchandises de contrebande, en échange desquelles ils doivent donner les sommes que Mandrin exige, — d’ordinaire le prix où ils vendaient eux-mêmes ces marchandises au public. Et partout Mandrin laisse des reçus pour les sommes qu’il a touchées. Son intention était que les entreposeurs et les buralistes fussent ensuite remboursés sur la caisse centrale des Fermes ; ce qui eut lieu. De Brioude, la bande gagna le Velay.
En Velay, pays de montagnes, par les cols, par les gorges tapissées de sapins, où coule avec bruit l’eau intermittente des torrens, sur les plateaux d’où l’on découvre au loin la plaine bleuâtre qui ondule, bleue et transparente comme une mer immobile, il semble que l’on voie passer les files rapides des contrebandiers. Cols et gorges d’un accès difficile, dont les paysans, amis des margandiers, leur indiquent les plus secrets détours.
Craponne, fameuse par ses dentelles, est bâtie sur des plateaux volcaniques, mais au fond d’une cuve de prairies verdoyantes que bordent, en manière de clôture, des quartiers de rocs amoncelés. Mandrin y arrive le 28 août, dans la nuit, et,