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soixante-dix. Mais le nombre ne fait rien à l’affaire ; il y a des usines de 500 000 dollars et des usines de 20 millions. Dans cette abdication de leur avoir en faveur d’un actif global, dans cette appréciation préliminaire, où chacun était intéressé à ne pas exagérer la valeur de ses rivaux d’hier, l’on peut être sûr qu’il n’y a pas eu d’erreur d’évaluation ; mais on a, d’un accord commun, majoré dans une égale mesure tous les apports et capitalisé les espérances par la création d’un common stock : les actions ordinaires.

C’est une forme d’inflation particulière aux États-Unis ; encore n’y est-elle ni générale, ni très ancienne. On peut citer des compagnies comme le Calumet and Hecla, la plus puissante du monde pour la production du cuivre, constituée au modeste capital de 12 millions et demi, dont moitié seulement a été versé. Celle-là distribue annuellement 37 millions et demi de dividendes. Le capital du trust des pétroles, — 500 millions de francs, — ne saurait être regardé comme excessif puisque le dividende atteint 200 millions. Nous avons aussi en France des affaires à capital minime, qui rapportent 100 pour 100 et davantage de la mise de fonds originelle, et des affaires à capital enflé qui rapportent 2 et 3 pour 100, ou même moins, de leur valeur théorique.

Mais chez nous, dans ces gonflemens factices, on ne fait pas la séparation des titres qui représentent quelque chose d’avec ceux qui ne représentent rien. Les promoteurs ou apporteurs s’attribuent des actions en tout semblables, comme droits, à celles qu’ils vendent au public ; ou bien, ils se réservent, sous le nom de « parts de fondateurs, » des intérêts plus ou moins importans. Ce système est, dans le premier cas, beaucoup moins loyal et, dans le second, beaucoup moins clair que celui des États-Unis qui distinguent les actions privilégiées, — preferred stock, — d’avec les actions ordinaires. Les premières ont droit à un revenu qui ne peut être dépassé, mais qui leur est payé « par préférence. » Ce revenu, en cas d’insuffisance de gain pendant un exercice, se reporte et s’ajoute au dividende de l’année suivante, lorsque ces actions privilégiées sont en même temps « cumulatives. »

Les actions ordinaires n’ont droit qu’au « surplus. » Leur revenu, en droit, est illimité ; en fait, dans des affaires même très prospères, il est insignifiant ou nul, parce que les directeurs des