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produit que l’on va obtenir avec des matières ou des méthodes absolument dissemblables des précédentes : car la science invente sans cesse des routes nouvelles pour atteindre un même but. Le fabricant a tenu bon, il a su rester à flot. Il prétendait marcher seul et avait toujours repoussé l’association sous quelque forme que ce fût. — « Je ne crois, disait-il avec humour, qu’aux ententes que l’on fait à un. »

Cependant, il lui faut jeter dans la circulation des marchandises de plus en plus abondantes, dont l’abondance fait le bon marché et qui pénètrent ainsi dans des couches humaines où elles étaient naguère inconnues. Il lui faut multiplier ses risques en multipliant sa puissance. Ses capitaux, ses épargnes n’ont pas suffi. Il a dû recourir à la société anonyme et passer la main, par prudence, à une collectivité. Il n’est plus qu’un « directeur, » un délégué des actionnaires. C’est le second terme de l’évolution, où jusqu’ici nous nous sommes arrêtés en France.

Les Américains ont poussé plus loin ; ils en sont au troisième degré, au syndicat de manufactures unies : le trust, qui concentre en un seul faisceau des forces jusqu’alors rivales. A l’heure actuelle les États-Unis en possèdent un bon nombre : l’acier, le pétrole, l’électricité, le cuivre, le sucre, le caoutchouc, les conserves de viande, le tabac, le cuir, la poudre, l’huile de coton, l’acide carbonique, les engrais chimiques, ont donné lieu à des agglomérations de capitaux d’importance diverse. Il en est de plusieurs milliards, il en est de quelques dizaines de millions seulement, analogues en fait à de grandes sociétés européennes.

Contrairement à certaines légendes, ces trusts n’offrent nul danger d’accaparement. Les plus puissans d’entre eux sont loin de détenir le monopole de la marchandise dont ils trafiquent. Le trust de l’acier, — United States Steel Corporation, — lors de sa fondation en 1901, fournissait en fonte 43 pour 100, en acier 66 pour 100 de la production totale des Etats-Unis. Depuis six ans, bien que la fabrication du trust, accrue de plus d’un quart, soit passée de 17 à 23 millions de tonnes, l’importance générale de ses affaires par rapport à l’ensemble du marché américain a plutôt décru : elle représente aujourd’hui 44 pour 100 de la fonte et 60 pour 100 de l’acier.

Le trust des pétroles, — Standard Oil company, — extrait seulement le sixième des 135 millions de barils recueillis