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notoirement insuffisant. Aussi voyons-nous en 1894, sur les 40 compagnies les plus importantes, une seulement distribuer à ses actionnaires 10 pour 100 de dividende, six donner de 7 à 8 pour 100, dix-huit de 3 à 6 pour 100, et seize ne rien donner du tout.

Depuis huit ans (1899-1906) les chemins de fer ont continué à faire, si l’on peut ainsi parler, peau neuve, à se recréer morceau par morceau. Les tracés primitifs contournaient les collines, les lacs et les rivières, pour éviter de percer des tunnels dans les unes et de jeter des ponts sur les autres ; ils descendaient au fond d’une vallée plutôt que de la traverser sur un viaduc ou même sur une levée de terre. Ces voies plastiques et articulées qui épousaient si docilement les reliefs du sol, ondulaient parmi les montagnes et serpentaient le long des torrens avec des courbes et des pentes qui feraient dresser les cheveux sur la tête de nos ingénieurs. De là, lorsqu’on prétendit augmenter la vitesse des trains, des déraillemens dont le nombre eût été plus redoutable encore, si les excellens wagons à boggies de là-bas ne s’étaient prêtés, beaucoup mieux que notre ancien matériel, aux sinuosités de la voie.

Les accidens, sur les chemins de fer américains, demeurent au reste beaucoup plus fréquens que partout ailleurs. Nous avons en France une moyenne annuelle de 600 tués et de 1 400 blessés. Sur un réseau neuf fois plus étendu que le nôtre, les Etats-Unis ont quinze fois plus de tués, — 9 000, — et soixante fois plus de blessés, — 86 000 : ce dont la presse transatlantique se plaint amèrement depuis quelque temps, quoique, dans les dix dernières années, le total moyen des sinistres ait été sensiblement le même.

Arrêté pendant huit bonnes heures derrière un train de charbon, qui, près d’un coude où la ligne était enserrée entre un mur de rochers et un ravin, avait malheureusement glissé en partie dans ce précipice, j’ai assisté avec philosophie et intérêt au l’établissement de la circulation. J’ai vu poser des rails neufs sur des traverses de sapin à moitié pourries, et j’ai constaté avec inquiétude…, pour les trains suivans, qu’afin d’asseoir de nouvelles traverses et de les mieux caler sur ce sol qui m’a paru dénué de tout ballast, les terrassiers mordaient de leur pic avec entrain à même le remblai et tiraient la terre presque dessous lp voie pour la rejeter dessus. Néanmoins je conseillerais