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elles en ont mille moyens. Les tarifs actuels de marchandises aux Etats-Unis, — 2 centimes par tonne et par kilomètre, en moyenne, sur l’ensemble des réseaux américains, deux et trois fois moins chers qu’en France, — sont tombés à moitié de ce qu’ils étaient il y a trente ans. De Chicago à Liverpool, y compris le fret maritime, le transport du froment ne coûte que 2 francs les 100 kilos.

Le plus curieux, c’est que la guerre faite aux compagnies valeur profiter beaucoup. Que l’Interstate commerce commission et la Cour suprême de Washington décident, — c’était le cas au 27 mai dernier, — qu’une surtaxe de 2 sous par 100 pieds de bois, allant de la Louisiane dans l’Ohio, « est injuste et déraisonnable, » ce pouvoir discrétionnaire renverse nos idées sur l’indépendance présumée des chemins de fer américains. Mais, au fond, quelles seront les conséquences de l’intervention légale qui transforme en un organisme d’Etat une entreprise particulière ?

L’Etat assume, en contrôlant, des charges et des responsabilités nouvelles qu’il apercevra plus tard. Les compagnies, devenues quasi membres de l’État, échappent à certains aléas des affaires privées. Il y aura moins de concurrences à redouter, moins de gros bénéfices peut-être, mais moins de pertes. L’État, en s’opposant aux uns, se trouvera forcé de prévenir les autres. Ce mouvement, soi-disant démocratique et populaire, profitera surtout aux compagnies riches et puissantes. Celles-ci, avec de bonnes voies, un bon équipement, du trafic et du crédit, supporteront les exigences de l’Etat ou auront des moyens de les tourner. Elles s’annexeront et engloberont les moindres qui auront peine à vivre.

Garanties au dehors, c’est-à-dire contre des rivaux éventuels, contre les passions étroites des parlemens locaux et contre les prétentions ignorantes du public, parce que l’État fédéral reconnaîtra que tout abus de pouvoir aurait pour conséquence la détérioration du service, les compagnies se trouveront, par cette mainmise du gouvernement, garanties au dedans contre elles-mêmes, contre les audaces spéculatives de leurs directeurs.

De 1865 à 1890, le réseau avait augmenté beaucoup plus que les recettes ; de 1890 à 1898, recettes et réseaux s’étaient accrus de concert, diversement suivant les lignes, mais partout il avait été consacré une large portion des revenus nets à la réfection de voies hâtivement confectionnées, au changement d’un matériel