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interview, qu’« une des choses les plus salutaires qui pourraient arriver serait la mise en prison de quelque haut personnage de l’industrie des chemins de fer. Cela ferait plus que n’importe quelle autre mesure pour améliorer les conditions actuelles. Il y a, dit-il, un lot d’hommes, maîtres d’une telle richesse et d’un tel pouvoir, qu’ils ne pensent pas que l’on oserait les punir ni même les faire marcher. Une fois la possibilité advenue, comme un fait démontré, que les portes de la prison peuvent se refermer sur eux, un grand enseignement aura été donné. Il ne serait pas nécessaire de mettre en prison tous les hommes qui devraient y être. Il n’y aurait qu’à mettre derrière les grilles seulement un ou deux de ceux qui tiennent le haut du pavé dans le monde et les affaires. Cela agirait comme un vigoureux avertissement pour les individus qui hésitent à compromettre leur position et leur sûreté… »

On ne se figure pas bien, en France, le ministre des Travaux publics, ou simplement un membre du comité consultatif des chemins de fer, s’exprimant en ces termes sur le compte des présidons de conseils d’administration de nos railways indigènes. Nos plus fougueux socialistes, au Parlement, n’en demandent pas autant contre les directeurs de sociétés industrielles. La différence du langage montre la diversité des situations de ceux que l’on veut atteindre et l’état d’âme de leurs adversaires.

Un autre commissaire américain, M. Lane, interrogé s’il allait envoyer quelque grand railroadman en prison, se montre moins féroce : « J’espère que non, dit-il, j’espère que ce ne sera pas nécessaire. Si les chemins de fer se conforment à la loi, nous agirons aussi harmonieusement que possible. Mais, si la loi est violée, alors il y aura du bruit. Nous sommes déterminés à user, dans la lettre et dans l’esprit, de tout le pouvoir qui nous est donné d’enquêter par voie de serment, d’examiner les comptes et d’appeler devant les juges de district par acte d’accusation. Plus modéré dans la forme, mais aussi absolu quant au fond, est le président Roosevelt, d’accord avec l’immense majorité du pays, lorsqu’il réclame pour l’Etat le droit d’imposer certaines règles et restrictions, dans l’intérêt du bon ordre, à une corporation effectuant un service quasi public comme les chemins de fer.

C’est maintenant une doctrine établie. Quoique les intéressés la contestent en principe, ils sont forcés de l’accepter comme un