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relative de la France, sur le terrain économique, c’est, pour une grande part, l’indigence de charbon. L’invention de la « vapeur, » et de tout ce qu’on entend par là d’applications multiples et de révolutions conséquentes, a été préjudiciable au rang de la France dans le vieux continent, parce qu’elle n’a pas ou presque pas de « vapeur, » comparativement à d’autres États. Le continent américain est de tous au contraire le plus favorisé au point de vue du sous-sol. Il n’a pas seulement du charbon, — il en extrait déjà 350 millions de tonnes, — il a d’incroyables forces hydrauliques ; il a le minerai de fer le plus riche et de la plus facile extraction, l’or et l’argent et surtout le cuivre ; il a le pétrole et le gaz naturel ; il a de tout ce dont vit le monde contemporain, et il n’a qu’à se baisser pour le recueillir.

Telle est sa part de chance, mais il sait merveilleusement en profiter. C’est par une volonté indomptable que l’Américain devient le propre artisan de sa fortune. Et quoique je voudrais bien expliquer par une fatalité de nature l’état stationnaire de mon pays, plutôt que l’attribuer à l’inertie propre de mes concitoyens, je ne puis pas m’abstenir de la réflexion suivante : si le Français actuel, riche de ses économies plutôt que de ses entreprises, était seulement paralysé par l’exiguïté de son territoire qui ne lui offre qu’un champ d’action limité, et par la rareté ou la pauvreté de ses mines indigènes, il devrait suffire de le transporter dans une atmosphère plus favorable, pour le voir s’élancer, lutter et parvenir à l’égal des autres étrangers.

Or, sur 24 millions d’émigrans, qui depuis quatre-vingts ans ont abordé le littoral américain, on compte 433 000 Français. Ils n’avaient au début ni plus ni moins d’argent, ni plus ni moins de chances que les Irlandais, les Allemands, les Suisses, les Hollandais ou les Scandinaves ; cependant, ils n’ont pas réussi, eu égard à leur nombre, aussi bien qu’aucun de ceux-là. On ne voit aucun Français à la tête des chemins de fer, des mines, des manufactures, des banques, des grandes exploitations agricoles, dont les propriétaires et les directeurs sont pourtant assez cosmopolites d’origine.

Dans l’Ouest, où il y a proportionnellement à la population plus de Français que dans l’Est, on n’en voit pas qui jouent un rôle prépondérant dans quelque branche que ce soit de l’industrie ou du commerce. Mais s’il y a, parmi nos anciens compatriotes plus ou moins américanisés, fort peu de