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récemment accomplis, mais il y en a qui ne le sont pas encore, et à propos desquels quelque chose est à faire, ou à ne pas faire. Veut-on des exemples ? Le gouvernement a déposé, sur la justice militaire, un projet de loi qui soulève de très graves objections. Ce projet était à l’ordre du jour, il allait venir en discussion ; lorsque M. Clemenceau a déclaré que le moment n’était pas opportun pour cela, — on était en effet dans la première effervescence de la crise viticole ; — et le projet a été remisé dans un coin obscur de la pénombre parlementaire. Le gouvernement a montré par là qu’il savait fort bien faire disparaître un projet de loi embarrassant. Qu’il continue : il a le tour de main. Mais continuera-t-il ? Il y a, à la Chambre et au Sénat, des projets de loi imprégnés de la plus pure doctrine socialiste et à l’élaboration desquels M. Jaurès a pris une part notoire. Qu’en adviendra-t-il ? Le gouvernement estime-t-il toujours qu’il soit opportun de les discuter ? Est-il toujours résolu à attacher à leur vote une question de confiance ? Le parti radical le soutiendra-t-il dans cette voici L’obligera-t-il à y persévérer ? S’il en est ainsi, nous ferons peu de cas des tentatives d’émancipation des radicaux à l’égard des socialistes : ils ne tarderont pas à retomber sous le joug, qui deviendra plus lourd sur leur tête. Les partis se font, en effet, et se défont par la collaboration parlementaire et par la rencontre habituelle des mêmes voix dans les scrutins. Les progressistes ne commenceront pas à voter avec les radicaux, et ceux-ci continueront bon gré mal gré à voter avec les socialistes. Le bloc se reformera par la force des choses, et les progressistes, auxquels on aura vainement demandé des complaisances sans avoir rien fait pour mériter leur confiance, auront le droit de montrer au pays, la main dans la main, les socialistes arrogans de M. Jaurès et les radicaux déconfits de M. Sarrien. Le pays jugera.

Qui veut la fin veut les moyens : on ne peut avoir les progressistes que si la politique est modifiée. C’est difficile, nous dira-t-on ; soit ; mais il y a quelque chose de plus difficile encore, et c’est de modifier l’esprit de l’administration.

Avant de rompre, ou de parler de rompre, radicaux et socialistes avaient fait entre eux un contrat électoral dont ils ont imposé l’observation stricte au gouvernement et à ses agens. Voulant pour eux tous les sièges parlementaires, ils ont déclaré la guerre aux autres partis, et non pas tant aux idées qu’aux personnes, puis ils ont chargé le gouvernement de la soutenir. Les progressistes ont été considérés comme les pires ennemis, parce qu’ils sont républicains et qu’ils peu-