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Pendant que la prospérité commerciale de la cité se développe et rayonne d’un éclat merveilleux, de plus en plus les ténèbres s’étendent sur la centaine de milliers d’âmes de ses habitans.

Et cependant ces malheureuses âmes n’ont pas encore achevé de s’éteindre. Elles ont cessé de croire en Dieu, et perdu aussi cette naïve croyance au diable qui les avait longtemps maintenues dans l’attachement au devoir : mais, sous les cendres refroidies de leur foi, une étincelle a survécu, jusqu’ici, de la « bonté » chrétienne. Les plus grossières même d’entre elles continuent à s’émouvoir de pitié, au spectacle de la souffrance d’autrui ; et lorsque lady Bell nous montre des orphelins recueillis dans une famille déjà nombreuse, et fort en peine de subvenir à ses propres besoins, lorsqu’elle nous raconte l’admirable histoire d’un malade secouru, soigné, consolé et amusé par ses compagnons, nous nous demandons si un grand effort, patiemment poursuivi, ne réussirait pas, malgré toutes les apparences contraires, à sauver de la chute définitive des cœurs qui sont restés capables d’aussi beaux élans. Peut-être n’a-t-il manqué aux efforts précédens, pour y réussir, que de s’appuyer sur une connaissance assez approfondie du caractère et des sentimens de l’ouvrier, tels que vient de nous les révéler le livre excellent de la dame anglaise : ou peut-être ne leur a-t-il manqué que d’être inspirés de l’indulgente et ardente affection qui anime chaque page de ce petit livre ? Et qui sait, en vérité, si des livres du genre de celui-là ne sont point le meilleur moyen de préparer, pour un avenir plus ou moins prochain, l’avènement du bien-être et de la lumière, dans les « rues basses » de tous les Middlesbrough de l’Angleterre, et du monde entier ?


T. DE WYZEWA.