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ouvriers de Middlesbrough. L’industrie du fer, qui est à peu près l’unique occupation de la ville nouvelle, ne fournit point de travail aux femmes ni aux enfans : et ainsi la famille est réduite à dépendre entièrement, pour sa subsistance, de ce que gagne son chef. En outre, les risques de maladies et d’accidens sont plus grands, dans cette industrie, que dans beaucoup d’autres.


Étant donné que c’est là une profession réservée à des hommes robustes et bien constitués, peut-être s’étonnera-t-on de voir combien est considérable le nombre des ouvriers qui deviennent malades, plus ou moins gravement : mais la surprise cessera si l’on se rend compte de la mauvaise influence que ne peut manquer d’exercer une profession comme celle-ci sur la santé la plus solide et la plus résistante. Je resterai certes encore au-dessous de la vérité en disant que la moitié des ouvriers de Middlesbrough se trouvent usés et hors d’état avant d’avoir atteint leur cinquantième année. Exposés continuellement à des variations extrêmes de température, ayant à subir un excès de chaleur, pendant qu’ils sont à l’ouvrage, et une réaction excessive de froid quand l’ouvrage est uni, chaque soir ils rentrent chez eux épuisés, déprimés, très souvent mouillés jusqu’aux os… Aussi en voit-on une foule qui sont tourmentés de rhumatismes, d’accès de lièvre, de maux d’yeux, pour ne point parler d’affections plus dangereuses, comme la phtisie et la pneumonie.


Et non moindres sont les risques d’accidens. Dans la plupart des cas, à dire vrai, les accidens qui arrivent aux ouvriers sont de ceux dont il nous semble que leur victime, « avec plus de soin, » aurait pu réussir à les éviter. Mais ce « soin, » que nous exigerions de l’ouvrier, lui est, en réalité, impossible : un moment survient toujours où, sous l’action de la fatigue, ou simplement d’une longue habitude d’immunité, l’attention se relâche, et où l’homme le plus prudent est désarmé contre le danger. Or la maladie et l’accident, pour les ouvriers de Middlesbrough, signifient la ruine : car la proportion est malheureusement assez faible, de ceux d’entre eux qui ont la sagesse de s’assurer, ou de s’affilier à une société de secours mutuels. Et l’on comprend que cet ensemble de circonstances ait pour résultat de rendre bien instable la prospérité de l’ouvrier même le plus économe et le plus laborieux. Sans compter que les habitudes sociales de sa caste imposent à cet ouvrier, de temps à autre, des surcroîts de dépense imprévus, et d’autant plus pesans. Ainsi l’usage veut que les enterremens soient célébrés avec la plus grande somme possible d’apparat et de luxe : si bien qu’une famille se déconsidérerait qui, ayant perdu l’un de ses membres, ne l’enterrerait pas, au moins, « avec du jambon, » c’est-à-dire qui négligerait d’offrir un petit repas à une troupe